Mort d'un rhinocéros au zoo de Thoiry : un trafic devenu "transnational"

La corne de rhinocéros est consommée en Chine et au Vietnam
La corne de rhinocéros est consommée en Chine et au Vietnam © STEPHANE DE SAKUTIN / AFP
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Mélanie Longuet , modifié à
C'est la première fois qu'un rhinocéros est tué pour sa corne en Europe après la mort mardi d'un animal au zoo de Thoiry. Un acte qui révèle l'expansion de ce trafic aux animaux en captivité. 

Le zoo de Thoiry a dénoncé un "acte odieux". Mardi, des malfaiteurs se sont introduits dans ce parc zoologique des Yvelines pour y tuer par balles, Vince, un rhinocéros blanc âgé de 5 ans. Ils ont ensuite découpé sa première corne à la tronçonneuse, laissant la seconde partiellement tranchée.

Les cornes de rhinocéros font l'objet d'un trafic international, sa poudre étant considérée, à tort, comme le remède à de nombreuses affections surtout en Asie. Interrogée par Europe1.fr, Céline Sissler-Bienvenu, directrice d'IFAW (le Fonds international pour la protection des animaux) pour la France et l'Afrique, décrit un trafic de corne "transnational", qui "touche aussi les pays où les animaux sont en captivité".

Un cas inédit en France. Cet acte de braconnage au zoo de Thoiry "est une première sur un animal vivant en Europe", note Céline Sissler-Bienvenu. En France, "il y a déjà eu des vols d'animaux vivants ou de cornes, comme en 2015 avec le vol de tamarins-lions et de ouistitis dans un parc zoologique à Saint-Aignan-sur-Cher". En juin 2015, ces 17 singes rarissimes ont disparu de leurs enclos du zoo de Beauval. Malgré l'enquête de gendarmerie ouverte, l'affaire a été classée en janvier.

Avant la mort du rhinocéros du zoo de Thoiry, "il y a eu un vol de corne au Muséum d'histoire naturelle", rappelle Céline Sissler-Bienvenu. Depuis "le rhinocéros exposé dans la galerie de l'Evolution a une corne en plâtre, de même pour l'éléphant. C'était une mesure prise pour se prémunir des vols".

De "nouvelles méthodes de sécurisation" en question. La mort de Vince a choqué le personnel du zoo de Thoiry, un établissement plutôt sécurisé. "Le parc de Thoiry a déjà été le terrain d'incursions pour un vol de cornes de rhinocéros dans le cadre d'une exposition de sensibilisation", précise la directrice de l'IFAW.

Depuis, "la problématique d'un risque associé à un potentiel acte de braconnage a été prise en considération. Il y a plus de surveillance, avec des caméras et du personnel", détaille-t-elle. Mais mardi "les criminels ont défié ce qui a été mis en place, ce qui pose la question de nouveaux outils et de nouvelles méthodes de sécurisation", comme une présence plus importante de vigiles. Le zoo de Thoiry est déjà équipé d'une dizaine de caméras mais aucune ne filmait l'enclos des rhinocéros la nuit.

Une enquête a été ouverte mais "les risques d'être appréhendés et lourdement sanctionnés sont minimes", relève Céline Sissler-Bienvenu. Même si en 2016, "la France a renforcé ses sanctions contre le braconnage sur les espèces menacées". Depuis la loi sur biodiversité, le trafic d'espèces animales non domestiques est passible de 750.000 euros d'amende et de sept ans d'emprisonnement. 

Un trafic toujours très lucratif. Si des braconniers s'en sont pris à Vince, c'est parce que "le trafic de corne est extrêmement lucratif en Asie". En 2015, un kilo de corne était vendu 51.000 euros sur le marché noir, selon le Zoo de Thoiry. En Chine et au Vietnam, les principaux consommateurs, la médecine traditionnelle octroie, à tort, certaines vertus à la poudre de corne, dont celle de guérir le cancer et l'impuissance.

Les animaux en captivité aussi touchés. Lucratif et difficile à contrôler, ce trafic est devenu "transnational" relève la directrice de l'ONG. "C'est une criminalité liée aux espèces sauvages et qui concerne aussi les éléphants, les tigres ou les pangolins et qui ne touche pas uniquement les pays dont les animaux sont originaires", précise Céline Sissler-Bienvenu. "Ce trafic touche de nombreux pays et des animaux qui sont en captivité et semi captivité" et plus seulement des animaux en liberté dans les parcs d'Afrique du Sud