Migrants : 34 évacuations et toujours pas de solution

Près de 2.800 personnes ont été évacuées dans le calme, vendredi matin à Paris.
Près de 2.800 personnes ont été évacuées dans le calme, vendredi matin à Paris. © AFP
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Près de 2.800 migrants ont été évacués lors de la 34ème opération de "mise à l'abri" depuis juin 2015, vendredi à Paris. Les associations réclament une meilleure anticipation du phénomène.

 

La mécanique d'évacuation est bien rodée : les migrants entrent par petits groupes sur un terrain vague, où des petits-déjeuners leur sont distribués par les organisateurs : préfecture de police, préfecture de région, Office français d'immigration et d'intégration (Ofii), ville de Paris et associations. Vendredi matin, la scène s'est répétée une fois de plus dans le quartier de la porte de la Chapelle. Dans le calme, près de 2.800 personnes ont été prises en charge puis orientées vers des structures d'hébergement provisoire. L'opération, la 34ème du genre depuis juin 2015, visait à détruire le plus récent d'une série de campements insalubres, généralement disséminés le long des boulevards extérieurs de la capitale.

"Un côté absurde à agir systématiquement dans l'urgence". "Ces évacuations sont nécessaires pour la dignité des personnes", analyse Pierre Henry, directeur général de l'association France terre d'asile, interrogé par Europe1.fr. "On ne peut pas laisser ces gens croupir dans la crasse, sans sanitaires, sans eau, sans nourriture, sans rien." Celle de vendredi sera-t-elle suivie d'une 35ème évacuation dans les prochains mois ? "Probablement", déplore le spécialiste. Plus de six mois après l'ouverture du centre humanitaire de la porte de la Chapelle, censé prévenir la construction de nouveaux campements suite à l'évacuation de 4.00 personnes début novembre, force est de constater que la situation ne cesse de se répéter, Paris peinant toujours à absorber les nouveaux arrivants au rythme actuel.

"Mais il est certain qu'il y a un côté absurde à agir systématiquement dans l'urgence, dans la répétition", reconnaît Pierre Henry.  "Les évacuations, c'est mieux que rien. Mais si on veut vraiment changer les choses, il faut anticiper, planifier et harmoniser." Le président de France terre d'asile pointe un problème principal : "actuellement, il n'y a qu'un seul centre dit 'de transit', où sont accueillis les migrants qui viennent tout juste d'arriver pour dix jours, avant leur orientation vers une autre structure, en fonction de leur situation. Il est à la Chapelle, et il ne compte que 450 places. Ça n'est pas assez et ça ne peut que favoriser le développement des camps."  

"Aujourd'hui, tous les gens arrivent par Paris". Un écueil également identifié par la mairie de la capitale, qui a proposé une batterie de propositions pour une loi sur l'accueil des migrants et l'intégration des réfugiés aux parlementaires, jeudi. "Aujourd'hui, tous les gens arrivent par Paris. Nous demandons une répartition sur l'ensemble du territoire, de façon organisée, comme l'ont fait l'Allemagne et l'Italie", a détaillé Dominique Versini, adjointe de la maire de Paris Anne Hidalgo. "Nous demandons des centres de premier accueil tout le long de ce parcours (celui emprunté par les migrants arrivant en France, ndlr), à Nice, à Lyon." Cette répartition pourrait se faire selon des critères démographiques et économiques et en "s'inspirant d'expériences locales", comme celle de Paris, même s'il semble juridiquement compliqué de contraindre les migrants à une répartition directive s'ils ne sont pas encore demandeurs d'asile.

Le projet parisien propose aussi un "Fonds d'accueil d'urgence des migrants humanitaires", doté de 10 millions d'euros par an et spécialement dédié à la gestion des "situations d'afflux" particulièrement denses. Il ramène en outre le délai maximum de traitement des demandes d'asile à "six mois" et met l'accent sur la construction d'une politique d'intégration dans la durée, permettant par exemple à un demandeur d'asile de travailler plus rapidement, ou augmentant le budget des formations linguistiques et civiles destinées aux migrants. Des mesures en lien direct avec la situation des camps insalubres parisiens : "la difficulté aujourd'hui est que, dans ces campements, on retrouve des réfugiés qui n'ont pas réussi à trouver des logements pérennes. C'est le paradoxe, parce qu'on obtient le statut plus vite qu'avant", estime Didier Leschi, directeur général de l'Ofii.

Une situation qui "nourrit les populismes". "Anne Hidalgo a formulé des propositions, il faut que l'Assemblée nationale s'en saisisse, qu'elle en débatte", martèle Pierre Henry. "Une loi est nécessaire : on ne peut pas se contenter d'en appeler aux bonnes volontés. Et puis une meilleure anticipation permettrait aussi de changer la perception des migrants, parce que des situations comme celles de la Chapelle avant l'évacuation, cela nourrit clairement les populismes." En visite à Calais le 23 juin, le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb a annoncé la présentation d'un plan gouvernemental "pour traiter le problème de l'asile de manière plus facile qu'aujourd'hui". Le document est attendu dans les prochains jours.