Marie-Laure Janssens, une religieuse sous emprise : "on est dépossédé de soi-même"

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Guillaume Perrodeau , modifié à
Chez Christophe Hondelatte, l'ancienne religieuse catholique revient sur ses onze années chez les sœurs contemplatives de Saint-Jean où elle explique avoir subi un "abus spirituel".

Onze ans dans une "secte". C'est ainsi que Marie-Laure Janssens décrit sa vie de religieuse chez les sœurs contemplatives de la communauté Saint-Jean, entre 1998 et 2010. Chez Christophe Hondelatte jeudi, elle revient sur cette expérience douloureuse, qu'elle a raconté dans un livre : Le silence de la Vierge.

1998, l'entrée dans la communauté. En novembre 1996, Marie-Laure Janssens a 21 ans lorsqu'elle frappe pour la première fois à la porte de la communauté religieuse de Saint-Jean, à Attichy dans l'Oise. Depuis toute petite, elle a baigné dans la religion catholique, auprès de parents très pratiquants. "Il y une aspiration personnelle qui est née très tôt en moi, une attirance pour la vie religieuse", confie-t-elle au micro d'Europe 1. Ce jour-là, elle rencontre le frère Régis Marie. Marie-Laure Janssens est happée par ses mots et il la convainc d'aller étudier à Saint-Jodard, dans le département de la Loire.

Là-bas, elle côtoie des sœurs contemplatives de Saint-Jean. Et c'est une autre rencontre, avec la maîtresse des novices, soeur Marthe, qui va définitivement la convaincre d'entrer dans la communauté de Saint-Jean. Quelques semaines plus tard, en septembre 1998, elle fait officiellement sa rentrée chez les sœurs contemplatives.

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"Un piège mental". Rapidement, les règles à l'intérieur de la communauté vont la désarçonner. Il faut dire que les sœurs contemplatives de Saint-Jean répondent à un système strict. La règle de base, dite "relationnelle", est d'en dire le moins possible sur soi-même. Il ne faut pas non plus s'épancher sur ses doutes, ni partager ses états d'âmes, avec d'autres sœurs ou avec sa famille. Il faut demander la permission pour la moindre chose, comme la prise d'un simple comprimé de paracétamol. Tout doit passer par sa supérieure hiérarchique, sœur Marthe, avec qui une dépendance affective se développe. 

Dans son livre, elle écrit qu'elle a l'impression qu'on "l'efface au service de la communauté". Marie-Laure Janssens fait aussi état de ces cas qui reviennent à ses oreilles à l'époque, de sœurs anorexiques hospitalisées d’urgence ou qui tentent de se suicider. "On est dépossédé de soi-même, de sa personnalité, de son propre jugement, de son discernement", explique l'ancienne religieuse aujourd'hui, avec le recul. "Il n'y a pas de grille physique, mais il y a une grille psychologique, un piège mental qui fait que l'on est enfermé et qu'on ne s'autorise pas à sortir", décrit-elle.

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Marie-Laure Janssens et Christophe Hondelatte © Europe 1 

"Il faut réapprendre à se faire confiance". Cette "emprise" va durer onze années et ce, malgré des missions à l'étranger, aux Philippines ou au Québec. En 2009, c'est la première alerte. La communauté Saint-Jean est accusée de dérives sectaires et de maltraitances. Le diocèse de Lyon, dont l'archevêque est le Cardinal Barbarin, destitue alors les principales responsables des sœurs contemplatives. Au départ, Marie-Laure Janssens voit un complot derrière ces accusations.

Puis, petit à petit, elle prendra ses distances pour finalement se confier à ses parents sur son mal-être. En 2010, elle obtient qu'on la dispense de ses vœux. C'est le retour à la vie civile. "J'ai eu la chance d'être aidée par une famille, des amis qui m'ont aidé et hébergé. (...) Il faut alors réapprendre à se faire confiance, à penser par soi-même et à prendre des décisions seule", raconte Marie-Laure Janssens.

"L'institution nous demande de nous taire". Aujourd'hui, Marie-Laure Janssens est mariée et mère de deux enfants. Malgré cette expérience, Marie-Laure Janssens confie : "cela ne m'a pas fait perdre ma pratique religieuse. Aujourd'hui je suis croyante, en lien avec d'autres chrétiens, mais clairement séparée de l'église catholique". L'ancienne religieuse n'a jamais porté plainte. "Mon premier réflexe a été de référer ce que j'avais subi à des évêques", souligne-t-elle, mais elle n'a pas obtenu l'aide souhaitée. "Il faut toujours que l’institution défende son image et son intérêt donc en tant que victime, nous sommes plutôt des personnes qui dérangent", indique Marie-Laure Janssens, "l'institution nous demande de nous taire".