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Le spécialiste de la géopolitique Dominique Moïsi estime que les séries actuelles sont le reflet des sociétés contemporaines, en mal d'identité. 
INTERVIEW

"Si au 19ème siècle, on voulait comprendre la société française, on lisait Flaubert ou Balzac. Au 21ème siècle, si on veut comprendre la mondialisation, on regarde les séries télévisées." Pour Dominique Moïsi, spécialiste de la géopolitique et auteur du livre Géopolitique des séries, les séries télévisées reflètent les sociétés contemporaines, sur le plan politique comme sociétal.

Les séries accompagnent une évolution de la politique. "Les séries accompagnent, traduisent, reflètent une évolution de la réalité politique. Donald Trump ne paraît pas tellement différent de Franck Underwood dans House of cards. On voit très bien que, entre À la Maison Blanche et House of cards, entre le président idéal et le président plus que racinien, il y a eu une période assez longue où on a vu la crise de 2008, on a vu une perte systématique de confiance des Américains dans la politique et dans les politiques", analyse le politologue, vendredi, dans Le club de la presse.  

Dominique Moïsi va même plus loin en expliquant que les séries sont un marqueur du niveau de démocratie du pays où elles sont produites et diffusées. "En Chine, les séries sont souvent historiques, à la gloire de l’empire. En Russie, elles portent sur l’héroïsme des soldats de l’Armée rouge en Crimée. Dans les pays autoritaires, les séries sacralisent et célèbrent le pouvoir. A l'inverse, dans les pays démocratiques, les séries tendent à désacraliser le pouvoir. Le 'soft power' de l’Amérique tient à la capacité qu’ont les États-Unis de mettre en avant leurs faiblesses." 

Les séries reflètent une crise des sociétés démocratiques. Le livre de Dominique Moïsi est "une sorte de catalogue des peurs de nos sociétés", selon ses mots : "la fascination et la peur pour le chaos dans Games of thrones, le terrorisme dans Homeland, la fin de la démocratie dans House of cards, le retour de la menace russe dans Occupied, ou encore la nostalgie de la fin d’un système dans Downton Abbey", détaille-t-il. 

Le géopoliticien estime enfin que les séries actuelles disent une certaine crise identitaire de nos sociétés : "Ce qui est nouveau, c’est qu’on a choisi des séries noires, et des héros méchants, et on peut imaginer que cela traduit la crise d’identité des sociétés démocratiques aujourd’hui".