Les inondations sur la Côte d'Azur étaient-elles prévisibles ?

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M.D et G.V. , modifié à
Les inondations, qui ont frappé la Côte d'Azur samedi soir et engendré la mort de 16 personnes et cinq disparitions, étaient-elles prévisibles ? 

Des images impressionnantes, des témoignages d'habitants traumatisés : les inondations, qui ont frappé samedi soir la Côte d'Azur et provoqué un lourd bilan humain, feront date. Les dégâts matériels sont aussi considérables. Mais que s'est-il passé ? La violence du phénomène avait-elle été anticipée ? 

Le fil des événements. Helena Morna, spécialiste météo à Europe 1, est revenue sur le fil des événements. Elle explique au micro d'Europe 1 : "la vigilance orange est d'abord activée sur la Drôme en début de journée. A midi, Météo France me fait passer un message en rajoutant 4 départements en vigilance orange, parmi lesquels les Alpes-Maritimes et le Var". En début de soirée, "l'événement s'intensifie, les pluies s'intensifient", poursuit Helena Morna. " Le pic est à 21 heures. En une heure de temps, il est tombé, en plus de ce qu'il était déjà tombé, l'équivalent d'un mois de pluie sur Cannes, Mandelieu, Antibes...". Les pluies s'évacuent ensuite dans la nuit à l'Est et l'épisode est terminé. 

"Tout le grand public était informé". Sur Europe 1, Pascal Brovelli, le directeur adjoint des opérations de prévisions de Météo France, s'est défendu de toute négligence. Il explique que Météo France a bien joué son rôle : "grâce à la vigilance, tout le grand public était informé. La sécurité civile, les pompiers, nos services régionaux étaient en contact direct avec eux. Il y avait un suivi des événements". "Il faut voir les cumuls annoncés", ajoute-t-il, "cela s'approche des records que l'on pouvait observer". Il cite notamment l'exemple de Cannes où "le record était jusqu'alors de 69 mm de précipitations et hier on a observé 107 mm".

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"Le problème des zones urbaines". Alors, comment expliquer le bilan humain et matériel malgré la vigilance orange et les alertes de Météo France ? Pour Helena Morna, il ne faut pas oublier un problème majeur, celui des zones urbanisées : "l'eau ne s'écoule pas, l'eau n'est pas absorbée dans les sols". "On ne peut pas empêcher cette formation de petites rivières dans ces zones urbanisées", poursuit-elle. Et c'est sans doute ce qui s'est passé, assure le directeur adjoint de Météo France, Pascal Borvelli : " ce sont certainement les pluies de ruissellement qui ont abondé les toutes petites rues en bord de littoral qui ont du occasionner ces pertes en vie humaine. Effectivement, les ruissellements ont pu remplir très rapidement les parkings souterrains et piéger des personnes".

"Ces inondations sont les conséquences directes de l'urbanisation du littoral français. A un moment, les canalisations ne sont plus capables d'absorber le trop-plein d'eau et ça déborde; Il n'y a donc même plus besoin d'avoir des cours d'eau pour que l'eau monte dans les rues et que ça inonde", a renchéri Magali Reghezza-Zitt, géographe spécialiste de l'Environnement et des villes, dimanche midi sur Europe 1. "On aménage très mal : non seulement on a urbanisé ces zones  à risque, mais en plus on a urbanisé de plein pied la plupart du temps. Ce n'est pas du tout adapté à la montée brutale des eaux, alors même que quand on regarde les sites anciens des villes, ils sont en hauteur et pas du tout sur la plaine inondable en bord de rivière", a-t-elle ajouté.

Autre aspect à évoquer : une possible banalisation de la vigilance orange. "On est souvent en vigilance orange et on n'y prête pas attention. Or, il ne faut pas banaliser ces vigilances", affirme Helena Morna qui conclut : "le travail a été très bien fait par Météo France". 

Le maire de Cannes ne veut "pas accabler Météo France". "Très objectivement, je ne crois pas que ce soit un problème d’alerte", a réagi sur Europe 1 David Lisnard, maire de Cannes. "On aurait pu être en alerte noire, rouge, écarlate, de la couleur que vous voulez : lorsque vous n’avez plus d’électricité, plus de communication, cette concentration d’eau, que voulez-vous faire ? Vous êtes présent mais vous ne pouvez pas échapper à des morts dans une agglomération de 500.000 habitants. C’est triste mais on ne peut pas toujours polémiquer sur tout. Je ne vais pas accabler Météo France", a-t-il détaillé, avant de conclure : "on était présent, il y avait les effectifs, on avait prévu un hébergement qui était au bon format". Et l'élu local de rappeler à ses concitoyens d'être plus vigilants car ces derniers "n'ont pas toujours été disciplinés".

Une région et une période à risque. Dernier détail qui a son importance : le pourtour méditerranéen est à chaque automne le théâtre de très violentes intempéries. Et certains épisodes récents se sont révélés très meurtriers. Le 22 sept 1992, des inondations à Vaison-la-Romaine, dans le Vaucluse, faisaient 46 victimes. En novembre 1999, c'est le Languedoc Roussillon qui était touché et dénombrait 34 morts et un disparu. Mi-septembre 2012, des inondations faisaient 24 morts dans les Cévennes et en aval.