"Il faut vraiment avoir en tête que ce n'est pas un produit anodin", estime Michel Reynaud. 5:00
  • Copié
Ophélie Gobinet , modifié à
Michel Reynaud, professeur émérite et président du fonds Actions Addictions explique sur Europe 1 en quoi la banalisation de la consommation d'alcool est dangereuse pour la santé. 
INTERVIEW

C'est une enquête choc qui va à contre-courant des clichés sur la dépendance à l'alcool. Révélée jeudi par Europe 1, l'étude de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca) réalisée sur 200.000 Français âgés de 18 à 64 ans, présente des résultats édifiants : 30% des hommes de moins de 35 ans ont un usage dit "à risque" de l'alcool. Chez les femmes du même âge, 15% d'entre elles sont concernées. Michel Reynaud, professeur émérite de psychiatrie et d'addictologie et président du fonds Actions Addictions rappelle au micro d'Europe 1 les multiples risques d'une consommation excessive d'alcool.

Baptisée "Constances", l'étude rappelle que si les hommes sont concernés par une consommation à risque, les femmes ne sont pas en reste : 15% d'entre elles sont aussi touchées par ce phénomène. "Les risques sont à la fois comportementaux, comme l'agressivité, une moins grande efficacité professionnelle, des agressions sexuelles, des conflits conjugaux", rappelle Michel Reynaud. "Et puis, petit à petit, on s'installe dans la pathologie : on peut avoir des risques de cirrhose sans être dépendant", rappelle-t-il. "Au-delà de deux ou trois verres par jour, ou cinq verres en une seule fois, quand c'est régulier, ce sont des consommations qui font augmenter de manière exponentielle le problème".

L'alcool "tue", "abîme" et "modifie les comportements". En février dernier, Emmanuel Macron, opposé à un durcissement de la loi Évin, avait déclenché l'ire des spécialistes en déclarant boire du vin "midi et soir". "C'est un mauvais signal, car midi et soir, on est à la limite de la dangerosité", explique Michel Reynaud. "Il est président, il donne une image et elle va du côté de la consommation normalisée du vin", poursuit-il avant d'évoquer l'aspect culturel et patrimonial que revêt le vin en France. "Cela montre bien que les Français n'ont pas compris que l'alcool est dangereux", s'alarme l'addictologue. "C'est un psychotrope extrêmement agréable, le plus culturel, celui qui facilite les relations, c'est génial pour ça", poursuit-il avant d'ajouter : "Mais c'est aussi celui qui tue, celui qui abîme, celui qui modifie les comportements. Donc il faut vraiment avoir en tête que ce n'est pas un produit anodin". 

Pour s'arrêter ou diminuer sa consommation, on fait comment ?

"On va voir un addictologue", recommande Michel Reynaud. "Le spécialiste verra avec la personne à quel moment elle boit et si elle peut trouver d'autres stratégies pour prendre autre chose que de l'alcool". "Il y a aussi un travail de psychothérapie à faire pour comprendre pourquoi on boit", ajoute-t-il. "C'est un travail de contrôle et d'éducation".