Le sport est-il toujours un "bastion du sexisme" ?

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Selon la journaliste Fabienne Broucaret, qui publie un ouvrage sur le sujet, le sexisme recule dans le sport. Mais l'évolution ne se fait pas encore partout.

En 2011, la journaliste Fabienne Broucaret publiait "le sport féminin, dernier bastion du sexisme ?", un ouvrage mettant en lumière les inégalités hommes-femmes dans le sport. Elle revient dans les librairies jeudi, avec son nouvel ouvrage : "À vos baskets toutes! Tour de France du sport au féminin ?", toujours aux éditions Michalon. Les choses ont-elles évolué depuis 2011 ? Europe 1 lui a posé la question.

Quatre ans après votre premier ouvrage, la donne a-t-elle changé ?

Certaines choses ont moins bougé que d'autres. La place des femmes dans les instances des Fédérations, par exemple, reste ce qui bouge le moins. Seuls 15% d'arbitres de haut niveau sont des femmes, tous sports confondus. Cela touche même les sports très féminisés, la gymnastique par exemple. Côté dirigeant, il n'y a qu'une seule femme présidente d'une fédération olympique, à la tête de l'escrime. D'une manière générale, dans les instances dirigeantes (les postes de comités directeurs, d'élus aux bureaux des fédérations, de conseillers techniques et sportifs etc.), on compte seulement 10 à 17% de femmes.

Dans la pratique, on voit aussi que les jeunes garçons font plus de sport que les jeunes filles : chez les 12-17 ans, 70% des garçons s'adonnent à une activité physique et sportive, contre 60% des filles. Les sociologues constatent notamment un coup d'arrêt chez les adolescentes, qui décrochent du sport plus que les garçons. Ainsi, à cet âge-là, 26% des adolescentes ont abandonné un sport sans en avoir redémarré un autre, contre 15% chez les garçons. Chez les adultes aussi, les femmes pratiquent moins. Cela ne se rééquilibre que chez les 50-60 ans, lorsque les femmes sont libérées de certaines contraintes, notamment la vie de famille.

Dans votre ouvrage, vous mettez tout de même en avant de nombreuses initiatives. Dans quels sports les choses ont-elles le plus changé ?

Depuis la loi de 2014 sur l'égalité hommes-femmes, les fédérations sont obligées de mettre en œuvre des plans de féminisation. La plupart a joué le jeu, mais certaines fédérations partent de loin. Dans le cyclisme, par exemple, on ne compte que 10% de licenciées. La Fédération a donc mis des moyens pour changer la donne. Elle est par exemple partenaire de l'événement "Donnons des Elles au Tour", organisé par le club de Courcouronnes. Elle soutient aussi "La Course by le Tour", organisée par ASO : une épreuve féminine de 89 kilomètres organisée le jour de la dernière étape du Tour.

Il n'y a pas que le cyclisme qui fait des efforts. Dans la boxe, par exemple, les conditions d'entraînement ont récemment été revues pour les femmes. Les entraînements se sont améliorés pour hisser les femmes vers le haut niveau. Dans le triathlon, également, un vrai effort a été fait : des endroits isolés ont été installés pour permettre aux femmes de se changer, des événements ont été organisés auprès des jeunes, les pubs cessent peu à peu de ne mettre en avant que des hommes etc.

Et dans le football ?

La FFF  a, elle aussi, mis de vrais moyens pour que les choses s'améliorent. Il y a eu de nombreuses opérations dans les écoles pour tenter de donner envie aux jeunes filles. Entre 2011 et 2015, on est passé de 55.000 licenciées à plus de 100.000. Un dispositif a aussi été mis en place dans les clubs amateurs pour inciter les femmes à prendre des responsabilités et à occuper des postes. Résultat : pas moins de 8.000 femmes ont répondu à l'appel (sur environ 20.000 clubs). La Fédération tente également d'augmenter les statistiques de femmes entraîneurs. Ainsi, depuis peu, elle propose à chaque femme qui intègre l'équipe de France espoir de préparer son diplôme d'entraineur.

Quels sont les mauvais élèves ?

Sur 120 fédérations, 90 ont mis en place des plans de féminisation. Certaines en avaient moins besoin que d'autres, car elles avaient pris de l'avance : je peux citer le hand, le basket ou le tennis (qui est déjà très mixte, même si des inégalités subsistent en haut niveau, notamment au sujet des primes). Pour d'autres Fédérations, en revanche, c'est plus difficile. C'est le cas du Rugby, où l'on part de très loin : il n'y a que 15.000 licenciées (contre environ 440.000 hommes). Toutes les joueuses sont amateurs. Pour jouer en équipe de France féminine de rugby, certaines doivent prendre des congés sans solde, et il n'y a pas de prime de matchs (hors coupe du monde). Mais des choses commencent à se mettre en place, notamment au niveau scolaire. Mais je n'ai pas voulu pointé de mauvais élèves. Je n'ai constaté aucun cas de Fédération qui rechignait vraiment à bouger les choses, même si certaines mettent un peu plus de cœur à l'ouvrage que d'autres.

Et au-delà des Fédérations, avez-vous constaté d'autres évolutions dans le sport féminin en général, au sein la société ?

De nombreuses initiatives se mettent en place, dans les associations, les mairies. Je pense par exemple à la ville de Grenoble, qui a créé une école municipale de foot féminin, avec des navettes pour transporter les jeunes filles au stade. Dans la Creuse, l'Ufolep propose également des cours de handball simultanés pour parents (ou grands-parents) et enfants, et même des cours pour pratiquer ensemble. C'est ouvert à tout le monde : aux pères comme aux mères. Mais dans les faits, cela aide vraiment les femmes à se mettre au sport. C'est ouvert à tout le monde : aux pères comme aux mères. Mais dans les faits, cela aide vraiment les femmes à se mettre au sport.

Ensuite, on peut constater qu'internet a largement fait évoluer la pratique du sport féminin. On le voit par exemple dans la pratique du 'running' : des communautés se créent sur les réseaux sociaux, de nombreuses femmes se donnent rendez-vous pour courir. Résultat : en 15 ans, on est passé de 15% à 25% de participantes au marathon de Paris, avec une forte accélération ces dernières années. La tendance est la même pour les 10 kilomètres, les semi-marathons, les trail etc.

Enfin, il y a la question du sponsoring. Dans mon ouvrage, j'ai voulu saluer les initiatives d'entreprises qui font la démarche de sponsoriser des femmes. Je pense par exemple à Generali, qui sponsorise Isabelle Joschke, la navigatrice, dans un sport pourtant largement masculin. On peut aussi citer la RATP, qui se sert de l'équipe de France féminine de handball pour ses campagnes de recrutement.