Le Conseil d'Etat suspend l'arrêté "anti-burkini" de Villeneuve-Loubet

Jeudi, un collège de trois juges s'est penché, lors d'une audience publique, sur la question de la légalité de l'arrêté anti-burkini pris à Villeneuve-Loublet (Côte d'Azur).
Jeudi, un collège de trois juges s'est penché, lors d'une audience publique, sur la question de la légalité de l'arrêté anti-burkini pris à Villeneuve-Loublet (Côte d'Azur). © AFP
  • Copié
avec agences , modifié à
En pleine polémique sur cette tenue de bain couvrant tout le corps, le Conseil d'Etat a estimé que l'arrêté pris par la commune azuréenne portait "une atteinte grave" aux libertés fondamentales.

Rarement une décision avait été aussi attendue. Vendredi, le Conseil d'Etat a suspendu, dans une décision de dernier recours, l'arrêté municipal pris à Villeneune-Loubet, en Côte d'Azur, portant sur l'interdiction d'accéder aux plages de la commune à toute personne n'ayant pas une tenue correcte, et visant notamment le port du burkini.

La plus haute juridiction administrative avait été saisie en urgence par la Ligue des droits de l'homme (LDH) et le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), pour qui ce type d'arrêté, pris dans 31 communes balnéaires depuis fin juillet, est "liberticide". Sa décision fera autorité pour toutes les juridictions administratives de France. Me Patrice Spinosi, avocat de la Ligue des droits de l'homme, a salué une décision qui "aura vocation à faire jurisprudence", évoquant "une atteinte disproportionnée à la liberté des religions".

Pas de trouble à l'ordre public. Les maires à l'origine de ces arrêtés invoquaient des risques de trouble à l'ordre public. Mais, "à Villeneuve-Loubet, aucun élément ne permet de retenir que des risques de trouble à l'ordre public aient résulté de la tenue adoptée en vue de la baignade par certaines personnes", a estimé le Conseil d'Etat. 

"En l'absence de tels risques, l'émotion et les inquiétudes résultant des attentats terroristes, et notamment celui commis à Nice le 14 juillet dernier, ne sauraient suffire à justifier légalement la mesure d'interdiction", indique la plus haute juridiction administrative dans son ordonnance. Par conséquent, "le maire ne pouvait, sans excéder ses pouvoirs de police, édicter des dispositions qui interdisent l'accès à la plage et la baignade".

Une "grave" atteinte aux libertés fondamentales. Dans son ordonnance, le Conseil d'Etat souligne également que "l’arrêté litigieux a porté une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales que sont la liberté d’aller et venir, la liberté de conscience et la liberté personnelle". 

C'est une "décision de bon sens" a salué le secrétaire général du Conseil français du culte musulman (CFCM), Abdallah Zekri. Celui qui préside l'Observatoire national contre l'islamophobie a déclaré qu'elle allait "permettre de décrisper la situation, qui était marquée par une tension très forte parmi nos compatriotes musulmans, notamment chez les femmes". "C'est une victoire du droit, de la sagesse, de nature à favoriser le vivre-ensemble dans notre pays", a-t-il ajouté.

Quant au Collectif contre l'islamophobie en France, il se réjouit dans un communiqué de cette "victoire au retentissement symbolique très fort", venant mettre un terme "au déferlement des déclarations politiques les plus liberticides et les plus stigmatisantes". 

Une audience cruciale la veille. Vingt-quatre heures plus tôt, jeudi à 15 heures, un collège de trois juges avait examiné les requêtes déposées par la LDH et le CCIF lors d'une audience publique dans la plus fastueuse des salles du Conseil d'Etat. Le 22 août dernier, le tribunal administratif de Nice avait validé l'arrêté municipal, rejetant la requête des deux associations qui réclamaient déjà son annulation. 

A l'audience jeudi, l'avocat de Villeneuve-Loubet, François Pinatel, avait assuré que les burkinis y étaient devenus "pléthoriques" avant le 5 août, quand l'arrêté a été pris, et contribuaient à crisper le climat "dans une région fortement éprouvée par les attentats".