L'ancien résistant Arsène Tchakarian, dernier survivant du "groupe Manouchian", est mort à 101 ans

Arsène Tchakarian
Arsène Tchakarian avait reçu la Légion d'honneur en 2012. © AFP
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avec AFP , modifié à
Né en Turquie en 1916 en plein génocide arménien, arrivé à Paris en 1930, Arsène Tchakarian s'était illustré pendant la guerre au sein de ce groupe de résistants. Il est mort à 101 ans.

Arsène Tchakarian, dernier survivant du célèbre "groupe Manouchian" qui avait résisté à l'occupant nazi, est décédé samedi à l'âge de 101 ans, à l'hôpital Paul-Brousse à Villejuif, a-t-on appris dimanche auprès de sa famille. Avec son décès s'éteint le dernier survivant du groupe fondé pendant l'Occupation par son ami Missak Manouchian, un journaliste dont il partageait les origines arméniennes et l'engagement communiste.

Choqué par la capitulation française. Né en 1916 dans ce qui était encore l'Empire ottoman, Arsène Tchakarian arrive en 1930 à Paris, où sa fibre militante ne tarde pas à s'épanouir. Jeune apprenti tailleur, il croise rapidement le fer avec les ligues d'extrême droite qui tentent de prendre d'assaut l'Assemblée nationale en 1934. Deux ans plus tard, sa conscience communiste s'aiguise encore avec les grèves du Front Populaire et les premières grandes luttes de salariés. "Mon patron m'avait promis 5 francs par semaine mais, même ça, il ne me le donnait pas", disait celui qui revendiquait une fidélité éternelle à la "classe ouvrière".

Quand la guerre éclate en 1939, Arsène Tchakarian n'est pas encore français mais il est envoyé sur le front d'un conflit qui tourne court. De retour à Paris, c'est le choc. "Il y avait des Allemands partout, le drapeau nazi sur la Tour Eiffel", racontait-il. Il compte alors parmi ses amis un certain Missak Manouchian, journaliste dont il partage les origines arméniennes et l'engagement communiste. C'est lui qui lui fournit les premiers tracts anti-nazis en 1942, prémices d'un mouvement de résistance, regardé avec méfiance par les gaullistes. "Ils hésitaient à nous fournir des armes. L'URSS faisait peur et on était des bolcheviques pour eux", assurait-il.

Combat pour la mémoire. Après l'unification de la Résistance, c'est en 1943 que naît le "Groupe Manouchian", composé d'immigrés de tous bords (Italiens, Arméniens, juifs polonais…). Arsène Tchakarian, sous le nom de code "Charles" et ses compagnons ont multiplié les actions coups de poing : attaque contre des gendarmes en mars 1943, sabotage de lignes de haute tension… "La France c'était le pays des libertés, mais on se battait aussi par anti-fascisme", racontait Arsène Tchakarian à l'AFP en 2011. Les autorités allemandes tenteront de discréditer le groupe dans la fameuse "Affiche rouge", en fustigeant une "armée du crime" aux mains de l'étranger. 

Mais en février 1944, le groupe est décimé par un coup de filet et 23 de ses membres - dont une femme - sont arrêtés, jugés et exécutés. Arsène Tchakarian échappe de peu à la rafle, grâce à un policier. Exfiltré vers Bordeaux, il continuera à servir la Résistance jusqu'à la Libération. Bardé de décorations après-guerre, il reprend son activité de tailleur mais devra patienter jusqu'en 1958 pour être naturalisé français. Installé dans un pavillon de Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne, qu'il avait transformé en centre d'archives, ce vieil homme alerte continuait jusqu'à peu à écumer lycées et collèges pour offrir son témoignage sur l'Occupation et militer pour la reconnaissance du génocide arménien. Promu à titre exceptionnel officier de la Légion d'honneur en 2012, Arsène Tchakarian était père de six enfants.

Hommages de la classe politique. Dans la foulée de cette annonce, les hommages se sont multipliés au sein de la classe politique, notamment dans les rangs du Parti communiste. "Il n'a eu de cesse d'agir pour la reconnaissance du génocide et les droits du peuple arménien. Modeste et humble, c'est pourtant un grand homme qui nous quitte aujourd'hui que le Parti communiste est fier d'avoir compté dans ses rangs", a réagi Pierre Laurent, secrétaire national du PCF. "Il fut un héros de la résistance et un témoin inlassable dont la voix jusqu'au bout résonna avec force", a salué de son côté le président Emmanuel Macron dans un tweet, rendant notamment hommage à "son "travail de mémoire".