La pilule du lendemain ne passe toujours pas pour les pharmaciens

Pilule du lendemain, pharmacie. Crédit : FLORIAN DAVID / AFP
Une pharmacienne range des médicaments, image d'illustration © FLORIAN DAVID / AFP
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Marthe Ronteix avec Mélanie Gomez , modifié à
Un nouveau témoignage publié sur L'Obs a remis la polémique autour de la pilule contraceptive sur le devant de la scène.

Depuis une semaine, le témoignage d'une jeune femme est largement partagé sur les réseaux sociaux. Une jeune femme raconte sa mésaventure avec une pharmacien lorsqu'elle lui a demandé une pilule du lendemain. S'il a médiatisé cette question, le débat autour de la délivrance des moyens de contraception n'est pas nouveau. Il avait déjà resurgi en juillet dernier lorsque l'Ordre national des Pharmaciens avait tenté de modifier son code de déontologie et se poursuit aujourd'hui avec de nombreux témoignages de situations désagréables sur les réseaux sociaux. Retour en quatre actes sur cette polémique.

  • Acte 1 - Un vide juridique exploité par certains pharmaciens

S'il est obligatoire, l'accès des femmes à une méthode de contraception n'est pas évident car elle est souvent soumise à la position des pharmaciens. Le Code de Santé publique les autorise à refuser de délivrer un médicament uniquement si la santé de leur patient en dépend (articles R.4235-1 à R.4235-77 du code de la santé publique). Un article suffisamment flou pour que certains pharmaciens considèrent que la prise d'une pilule du lendemain répond à ce critère. En mars dernier, un pharmacien girondin a d'ailleurs été suspendu pour avoir refusé de vendre des contraceptifs.

Une situation rapportée également par l'Express qui a filmé le refus d'une préparatrice en pharmacie car le propriétaire de l'officine est "un peu contre. Ou encore une jeune femme de 23 ans qui a raconté, au magazine Marie-Claire, sa mésaventure auprès d'un pharmacien qui a exigé qu'elle prenne cette contraception sous ses yeux. Si le débat autour de cette question n'est pas nouveau, une consultation de l'Ordre national des Pharmaciens l'a relancé en juillet dernier. 

  • Acte 2 - L'Ordre des Pharmaciens lancent une consultation en faveur d'une clause de conscience

C'est ce tweet, posté par un certain @DocPhilou, qui met au jour un article polémique du nouveau code de déontologie des pharmaciens. Depuis septembre 2015, l'Ordre national des Pharmaciens a mis en ligne une consultation auprès de ses 75.000 adhérents. Il y était question de leur proposer d'introduire une clause de conscience. Sur les 3.000 personnes qui se sont prononcées, 85% sont favorable à cet article, rappelle Le Monde.

Mais la formule "sans préjudice du droit des patients à l’accès ou à la continuité des soins, le pharmacien peut refuser d’effectuer un acte pharmaceutique susceptible d’attenter à la vie humaine", a alerté les pharmaciens. Sur le site professionnel Le Moniteur des Pharmacies, ils expriment leurs inquiétudes. "La formulation d''atteinte à la vie humaine' n'a pas de définition juridique précise. [...] Des officinaux pourraient être tentés de s'en prévaloir pour refuser la contraception orale d'urgence ou le DIU [stérilet], voire la pratique de la contraception de manière générale pour des motifs religieux." Des craintes largement partagées par la suite.

Bien que Gilles Bonnefond, pharmacien et président de l’Union des Syndicats des pharmaciens d’officine, ait affirmé que cette clause de conscience concernait avant tout les procédures de fin de vie, une pétition a été immédiatement lancée contre l'introduction d'une telle disposition. La Ministre des Droits des Femmes, Laurence Rossignol, s'est elle aussi prononcée contre cet article dans un tweet. 

Face à un tel tollé, le Conseil national de l'Ordre a choisi de suspendre sa consultation. Il se réunira le 6 septembre prochain et a d'ores et déjà annoncé qu'il demanderait le retrait de cet article, dans un communiqué.

  • Acte 3 - Le témoignage de Sabine R., étudiante bien sous tous rapports. 

L'histoire aurait pu s'arrêter là. Mais c'était sans compter sur un témoignage éloquent, recueilli par L'Obs. Sabine R. (le prénom a été modifié), une étudiante de 20 ans, rapporte les propos déplacés et paternalistes du pharmacien auquel elle a dû demander une pilule du lendemain. "Ah ben, on a passé une bonne soirée, hein ?", s'est-elle entendu dire. Ou encore "On est de mauvaise humeur ? Ça ne devait pas être le cas hier soir. Il va falloir arrêter de se foutre à poil pour rien", lorsqu'elle a réitéré sa demande face au ton cynique du professionnel. "Alors, vous avez décidé de demander gentiment ou vous préférez assumer vos nuits ?", a été la remarque de trop. Mortifiée, la jeune femme a quitté la pharmacie. N'ayant toujours pas obtenu ce qu'elle était venue chercher, elle a dû se rendre dans une autre officine. 

Une expérience que Sabine a souhaité partager d'abord sur les réseaux sociaux puis sur la page dédiée aux témoignages de nos confrères de L'Obs. Son aventure, largement partagée sur Facebook et Twitter, a eu un grand retentissement auprès d'autres femmes qui ont elles aussi connu cette situation.

  • Acte 4 - Les langues se délient. 

Les témoignages similaires abondent sur les réseaux sociaux, aussi bien sous #MaContraceptionMonDroit que, plus récemment, #SiLeDolipraneEtaitUnePilule.

Et pour inciter les femmes à se manifester, le pharmacien qui anime le blog La Coupe d'Hygie a même créé un mode d'emploi sur la procédure à suivre pour porter plainte contre l'un de ses collègues qui aurait refusé de délivrer une pilule contraceptive. Même si cette pratique reste néanmoins minoritaire, le débat autour de la contraception d'urgence ne semble pas près de se clore.


La pilule du lendemain au centre des débatspar Europe1fr