La longue lutte pour la reconnaissance de l'hypersensibilité aux ondes magnétiques

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Margaux Baralon
SANTÉ - Un collectif de médecins a demandé cette semaine au gouvernement de reconnaître officiellement cette pathologie. Mais des controverses subsistent au sein du milieu scientifique.

Ils sont généralistes, mais aussi ostéopathes, dentistes, infirmiers ou kinésithérapeutes. Une cinquantaine de médecins et de professionnels de la santé ont lancé, jeudi, un appel au gouvernement pour "mieux comprendre et reconnaître l'électro-hypersensibilité".

L'hypersensibilité aux ondes électromagnétiques est, selon eux, "une pathologie complexe et multifactorielle", occasionnant une "souffrance physique réelle". "Pour autant, cette pathologie n'est toujours pas reconnue par les autorités sanitaires françaises", regrettent les signataires de l'appel.

Des symptômes variés. L'électro-hypersensibilité serait provoquée, selon les partisans de sa reconnaissance en tant que maladie (patients, associations mais aussi professionnels de santé), par les téléphones portables, les antennes relais de téléphonie ou encore les ondes wifi. Les symptômes, qui toucheraient environ 2% de la population, peuvent aller de maux de tête aux troubles cognitifs sévères tels que la perte de mémoire ou le déficit de l'attention. L'observation de ces symptômes et la souffrance des patients ne fait pas débat. Dès 2005, l'Organisation mondiale de la santé les a reconnus, soulignant qu'ils ne "font partie d'aucun syndrome connu" et peuvent être "considérés comme grave" dans 10% des cas.

Controverse scientifique. En revanche, le lien entre ces symptômes et les champs électromagnétiques fait toujours l'objet d'une controverse scientifique. Pour l'OMS, "il n'existe aucune base scientifique permettant de relier" l'électro-hypersensibilité "à une exposition" aux ondes. Dans un rapport publié en 2009, l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail est parvenu à la même conclusion. Enfin, en mars 2015, le Comité scientifique des risques sanitaires émergents et nouveaux (Scenihr) de la Commission européenne a également assuré que "les données récentes et pertinentes" ne "permettaient pas d'établir la dangerosité" des champs électromagnétiques.

Les rapports très critiqués. Ces conclusions sont loin de satisfaire les personnes qui affirment souffrir d'électro-hypersensibilité et les associations qui les soutiennent. Certaines ont même déposé une plainte contre le rapport du Scenihr, estimant que les experts chargés de son élaboration entretenaient des liens étroits avec de grosses entreprises de télécommunication. Car si la reconnaissance de l'hypersensibilité aux ondes magnétiques peine à se faire sur le terrain scientifique et politique, elle progresse en revanche devant les tribunaux.

Victoire juridique. Pour la première fois, le 8 juillet 2015, la justice a en effet reconnu l'existence d'un handicap grave dû à l'électro-hypersensibilité. Une femme de 39 ans, qui vivait recluse depuis 2010 en Ariège pour échapper aux champs électromagnétiques, a obtenu une allocation adulte handicapée de 800 euros mensuels. Sa déficience fonctionnelle a été évaluée à 85%. Et cette victoire juridique laissait espérer aux associations une jurisprudence.

Des mesures préventives. Pour les médecins signataires de l'appel, il est néanmoins indispensable que les autorités sanitaires "évoquent enfin ce sujet majeur de santé publique". Ils réclament donc la prise de mesures préventives, dont la création de "zones blanches", sans ondes électromagnétiques, dans lesquelles les personnes hypersensibles pourraient se réfugier. Surtout, ces professionnels de santé estiment que les doutes scientifiques sont essentiellement dus à un manque de données. Et exigent donc "une recherche indépendante et approfondie". Un rapport de l'Agence nationale sanitaire (Anses) est notamment attendu pour la fin 2016.