"Jungle" de Calais : un après le démantèlement, les tensions resurgissent

Se dirige-t-on vers une nouvelle "Jungle" de Calais ?
Se dirige-t-on vers une nouvelle "Jungle" de Calais ? © Lionel Gougelot / Europe 1
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Lionel Gougelot, avec T.LM.
En octobre 2016, la "Jungle" de Calais avait été démantelée sous les caméras du monde entier. Un an plus tard, la situation se complique à nouveau.
L'ENQUÊTE DU 8H

Les migrants sont encore là. Dix fois moins nombreux qu'au temps de la fameuse "Jungle" de Calais, mais tout de même : 500 selon la préfecture, 700 selon les associations et près d'un millier selon le comptage de Natacha Bouchart, la maire de la ville. Qu'importe la bataille de chiffres, on observe depuis quelques semaines des prises d'assaut de poids lourds en partance pour la Grande-Bretagne, des barrages de troncs d'arbres sur la rocade portuaire ou encore des affrontements entre communautés de migrants, plus jeunes, plus violents et souvent fortement alcoolisés.

"Qu'ils ne viennent pas faire la guerre chez nous". Pour les riverains, la situation se complique : "On a une baisse de fréquentation, nos clients n'osent plus venir car ils craignent de se faire agresser. Passé 18h30, on ne sait pas de quoi ils sont capables. Qu'ils fuient la guerre, certes, c'est peut-être un problème, mais qu'ils ne viennent pas la faire chez nous", déplore Didier, chef d'entreprise dans la zone d'activité près de la rocade. De fait, on sent monter une véritable exaspération chez les Calaisiens, depuis quelques temps.

Détresse des migrants. Du côté des autorités, tout est fait pour décourager les migrants de passer en Grande-Bretagne avec une politique "zéro points de fixation", c'est-à-dire que les forces de l'ordre délogent les migrants dès qu'un camp est repéré. "Les policiers n'arrêtent pas de nous gazer avec leurs grenades lacrymogènes. Pourquoi ? Ils nous chassent de notre camp tous les jours, et personne ne réagit. Je me demande si les gens estiment que nous sommes des êtres humains. On se retrouve à dormir dans les sous-bois", se plaint Khalid, un réfugié égyptien. 

Situation sanitaire dangereuse. Chassés, délogés, les migrants vivent dans la misère sanitaire. Le Conseil d'Etat a bien obligé les pouvoirs publics à mettre en place des installations sanitaires, mais il ne s'agit en fait que de quelques robinets et des toilettes mobiles. Ce qui est largement insuffisant, selon un récent rapport d'experts de l'Onu. Et potentiellement dangereux à l'approche de l'hiver : "Si les forces de police continuent à déchirer, gazer et à confisquer les couvertures et les tentes, cela va mener à une situation sanitaire catastrophique. Cela va mener à une situation déplorable, à des migrants désespérés qui vont prendre des risques inconsidérés pour passer en Angleterre. Ça peut être très violent", prévient Loan Torondel, de l'association L'Auberge des migrants. Dans ce contexte, une poignée de réfugiés acceptent toutes les semaines d'être placés dans les fameux centres d'accueil et d'orientation, mais l'immense majorité des migrants n'ont qu'un but : le passage en Grande-Bretagne.

Un an après, que sont devenus les migrants de la "Jungle" ?

Situation partagée pour les migrants qui étaient présents sur le camp démantelé en octobre 2016. 42% d'entre eux ayant demandé l'asile l'ont obtenu et 46% attendent toujours une décision définitive, comme l'a indiqué vendredi l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii). "Plus de 7.400 femmes, hommes et enfants ont été mis à l'abri à l'occasion de cette opération humanitaire" lancée le 24 octobre 2016 et menée pendant trois jours pour orienter les migrants vers des centres d'accueil et d'orientation (CAO), précise la structure. Au total "5.466 adultes ont été acheminés dans l'un des 301 CAO" en régions et "1.952 mineurs non accompagnés ont été orientés" vers des CAO dédiés, appelés CAOMI. Parmi les adultes, 58% étaient Soudanais, 25% Afghans, 5% Erythréens et 4% Pakistanais, précise l'Office. A 95% des hommes, ils étaient âgés pour la plupart (85%) de 18 à 34 ans. Ce décompte ne concerne que les personnes évacuées, et donc pas les migrants qui auraient pu quitter le campement avant le démantèlement pour ne pas renoncer au rêve britannique, très présent chez les Afghans.