L'histoire de Jacques-Michel Huret est incroyable. Digne d'un film. Pourtant, tout est bien réel. Jacques-Michel Huret l'a d'ailleurs raconté dans un livre au titre explicite : J’ai oublié 30 ans de ma vie. Chez Christophe Hondelatte mardi, il revient sur ce basculement qui a changé sa vie à jamais.
"Une enquête de police a réussi à retrouver mon agresseur". Jacques-Michel Huret se réveille sur un banc, à la fin du mois de juin 1987. Il ne sait pas ce qu'il fait là. Il n'a pas de souvenir de son prénom ou de son nom. Derrière lui se trouve un édifice. Lui, il le reconnaît. C'est l'Opéra de Paris. Pour le reste, le black-out est total.
Il ne le sait évidemment pas, mais à ce moment-là, Jacques-Michel Huret a en fait disparu depuis six mois. À Nancy, des semaines auparavant, il a dit à sa femme qu'il allait garer la voiture dans le garage mais n'est jamais revenu. Ce n'est que plusieurs mois après son retour chez lui que Jacques-Michel Huret et sa famille connaîtront la vérité. "Une enquête de police a réussi à retrouver mon agresseur : je me serais simplement fait agresser en rentrant ma voiture au garage, devant chez moi", raconte-t-il aujourd'hui au micro d'Europe 1. "L’agresseur m’aurait apparemment mis dans la voiture et déposé un peu plus loin de chez moi", en lui portant un coup sur la tête donc. Mais pour ce qui est de son trajet vers Paris : rien. "Personne ne le sait et personne ne le saura jamais", explique-t-il.
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"Un médecin a tenté le tout pour le tout". Arrêté par des policiers dans la capitale parisienne, quelques jours après son réveil place de l'Opéra, Jacques-Michel Huret est toujours incapable de décliner son identité. Emmené à l'hôpital Saint-Anne de Paris, on lui explique qu'il est amnésique. Pour lui, maintenant et avec les médecins, l'objectif est de réussir à retrouver qui il est. Mais les jours passent et Jacques-Michel Huret ne se souvient toujours de rien. "Tout ce qu’ils faisaient comme processus normal, au niveau des institutions psychiatriques, ne fonctionnait pas sur moi", confie-t-il. "Ils ont estimé qu’il fallait aller plus loin. (...) Un médecin a tenté le tout pour le tout."
Et le "tout pour le tout" a un nom : Pentothal. Un barbiturique, à l'utilisation controversée, qui permet d'obtenir d'un patient des informations sans qu'il en soit conscient. En clair, un sérum de vérité. Après plusieurs séances sans résultat, le déclic a lieu. Jacques-Michel Huret - appelé Mr. X à l'époque à l'hôpital - reçoit la visite de son médecin qui lui indique qu'au mot "amitié", il a déclaré le prénom : "Charlélie". Et c'est le chanteur Charlélie Couture, en personne, qui est alors appelé par le personnel hospitalier de Saint-Anne. L'objectif, toujours le même, réussir à poser un nom sur cet inconnu amnésique.
Christophe Hondelatte, avec Jacques-Michel Huret et sa femme Martine © Europe 1
Charlélie Couture reconnaît en effet Jacques-Michel Huret, du moins son visage. C'est un de ses anciens camarades de classe des Beaux-Arts de Nancy, avec qui il a fait les 400 coups. Il suffit maintenant de se plonger dans les registres de l'école pour trouver le nom et le prénom de Mr. X. Le 12 octobre 1987, il est convoqué par son médecin qui lui révèle son véritable nom. Dans le bureau, aux côtés du praticien, un couple âgé et une femme. Ses parents et son épouse, lui précise le médecin. "C’était un moment extrêmement difficile. On me présente des gens en me disant que ce sont mes parents et ma femme. Mais dans mon cœur, il n'y avait rien, (...) je les regardais comme un étranger", se souvient Jacques-Michel Huret.
"Il est certain que c’est irrémédiable". Il lui faudra près de sept ans pour se reconstruire et retrouver une vie normale. Aujourd'hui, Jacques-Michel Huret est toujours avec sa femme, Martine, qui a découvert un nouvel homme en lui après cet épisode. Âgé aujourd'hui de 61 ans, Jacques-Michel Huret n'a jamais retrouvé la mémoire sur les 30 premières années de sa vie, volatilisées pour toujours. "Ce sont des cas rares, il y en trois ou quatre dans le monde. Mon trouble est tellement profond qu'il est irrémédiable", fait-il savoir.