Frédéric, employé chez Lidl : "On est des objets, plus des êtres humains"

Lidl est la cible des critiques depuis la diffusion de "Cash Investigation".
Lidl est la cible des critiques depuis la diffusion de "Cash Investigation". © AFP
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avec Nathalie Chevance , modifié à
Frédéric Blanc, employé chez Lidl depuis 23 ans, confirme sur Europe 1 les méthodes managériales brutales de l'entreprise, mises en lumière par "Cash Investigation".
TÉMOIGNAGE

L'enquête de l'émission Cash Investigation sur les conditions de travail au sein de Free et Lidl diffusée mardi sur France 2, n'en finit plus de faire réagir. Dans le reportage, suivi par 3,8 millions de téléspectateurs, un record, on découvrait des méthodes de management parfois brutales et grossières, avec, pour seul objectif, la productivité avant tout, quitte à faire vivre un enfer aux salariés. "On est des objets, plus des êtres humains", dénonce Frédéric Blanc, cariste depuis 23 ans chez Lidl, au micro d'Europe 1.

Employés en grève. Pour lui, il est urgent que la société et surtout les politiques soient conscients de la souffrance et des conditions de travail du monde ouvrier, à l'image de ce qui se passe chez Lidl. Le Cash Investigation de mardi est donc une bonne avancée dans ce sens. "Le reportage a médiatisé la souffrance chez Lidl, c'est évident. Ça permet à la société de prendre connaissance de la situation", estime Frédéric Blanc. Mercredi, lui et une vingtaine de ses collègues employés de l’entrepôt Lidl du Rousset, dans les Bouches-du-Rhône, se sont mis en grève pour dénoncer les pressions managériales et les conditions de travail épuisantes qui leur sont imposées. Une grève finalement levée jeudi midi, après que les salariés ont obtenu des garanties de la part de la direction.

Entendu sur europe1 :
Le reportage a médiatisé la souffrance chez Lidl

Le "cauchemar" du pick-by-voiceFrédéric Blanc s'est reconnu dans l'enquête de Cash Investigation. Il dresse la liste des méthodes douteuses de la direction de la chaîne de magasins : "abus de pouvoir, non-respect des droits fondamentaux des salariés, non-écoute des souffrances". Surtout, selon lui, "le gros problème, c'est le pick-by-voice", une technique de management qui consiste à équiper les salariés avec une oreillette et à faire passer les ordres oralement, sans coupure. "Les gens en font des cauchemars la nuit", dénonce Frédéric Blanc. "Essayez de travailler une journée avec le pick-by-voice : on est des objets, plus des êtres humains."

Le cariste est très critique envers les dérives de son entreprise : "La productivité c'est le nerf de la guerre, tout le monde ne parle que de ça chez Lidl. La marge, elle se fait sur le préparateur aujourd'hui". Des dérives qui, selon lui, ne touchent pas les politiques. "En France, il y a des politiciens qui ne sont pas au courant de tout ça, ça m'inquiète. Je les invite à s'intéresser au monde du travail d'aujourd'hui, à venir à l'usine, travailler avec des cadences. La ministre du Travail, elle est dans son monde et je vous garantis que ce n'est pas le nôtre, ni celui d'une majorité de Français", juge-t-il.

Pénicaud, dans le monde des Bisounours. Pour Frédéric Blanc, "l'équilibre des forces, l'égalité dans les entreprises, ce n'est pas une réalité". "Si on organise des grèves, c'est pour rétablir cette égalité, surtout maintenant avec la réforme du travail. Quand j'entends la ministre parler, j'ai l'impression de travailler dans le pays des Bisounours. Je l'invite vraiment à venir nous voir", lâche-t-il, avant de conclure, désabusé : "L'idée que tout se réglerait par le dialogue est totalement fausse".