Fin de vie : "Les Français âgés n'ont aucune maîtrise sur leur parcours de grande vieillesse"

© PASCAL LACHENAUD / AFP
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Pour Olivier Saint-Jean, responsable du service gériatrie de l’Hôpital européen Georges Pompidou, une réponse strictement médicalisée à la vieillesse renforce les situations de dépendances.
INTERVIEW

Le Comité national d'éthique tire la sonnette d'alarme. Dans un avis rendu public mercredi, l’organisme s'inquiète de la "ghettoïsation" des personnes âgées, mises au ban de la société du fait d'"une dénégation collective de ce que peut être la vieillesse, la fin de la vie et la mort". Surtout, le Conseil dénonce les situations "indignes" subies par les personnes très âgées, massivement concentrées en Ehpad. "Le Comité d'éthique pointe deux éléments fondamentaux : l'insuffisance de moyens et, surtout, l'insuffisance conceptuelle qui accompagne la prise en charge des Français très âgés", résume le professeur Olivier Saint-Jean, chef du service gériatrie de l’Hôpital européen Georges Pompidou, interrogé jeudi dans la matinale d'Europe 1.

Le tout médical. Pour ce spécialiste, il est réducteur de considérer uniquement le grand âge sous l'angle médical. "Face au vieillissement, qui est une problématique apparue dans les années 1970 dans la population des pays développés, la seule solution qui a été proposée est une réponse de médicalisation. On a finalement considéré que ces personnes étaient malades, et s'est mise en place une mécanique implacable qui fait qu'au bout du compte, la notion de sécurité l'emporte sur tout le reste", relève-t-il. "Un élément marquant de cela, c'est la perte de mémoire que l'on a faussement baptisée maladie d'Alzheimer, et qui concerne tout le monde", à partir d'un certain âge, pointe-t-il.

Contraint et forcé. "Aujourd'hui, les Français âgés n'ont aucune maîtrise sur leur parcours de grande vieillesse", dénonce-t-il. "Ce qui décide de tout, c'est une forme de bienveillance médicale qui aboutit à une perte de liberté. Par définition, on a recrée les hospices d'avant, ça s’appelle les Ehpad", relève le médecin, qui rappelle que moins d'une personne sur quatre y entre de sa propre volonté.

"Garder la maîtrise de son propre destin". Pour mettre fin à ce phénomène, Olivier Saint-Jean considère qu’il est essentiel de changer notre vision de la fin de vie : la vieillesse ne doit plus être subie comme une infection, mais pensée comme une étape nécessaire de l'existence. "Il est important que chacun se dise que, dans son parcours de vie, il aura une vieillesse. Il faut anticiper ce qui pourra nous arriver", explique-t-il. Et pour mieux y parvenir, ce spécialiste estime que les aides publiques doivent plutôt favoriser un accompagnement personnalisé au lieu de vouloir encadrer la vieillesse de manière globale, à l’échelle de la population. "Tous les financements qui sont mis à disposition pour la compensation des handicaps du grand âge sont pensés sur un mode médical [...] Il faut que l'on trouve un équilibre entre des financements socialisés et personnalisés, et se dire aussi que l'on doit pouvoir garder la maîtrise de son propre destin", conclut-il.