Fin de la trêve hivernale : "retour à la case nulle part" pour des milliers de familles

Les associations militent contre les expulsions (image d'illustration).
Les associations militent contre les expulsions (image d'illustration). © PIERRE VERDY / AFP
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avec Jean-Jacques Héry
La trêve hivernale prend fin samedi soir. L'an dernier, près de 15.000 ménages ont été expulsés avec le concours de la force publique. Les associations craignent les effets de la baisse des allocations logement. 

Le 31 mars marque la fin de la trêve hivernale. Les expulsions locatives vont reprendre pour ceux qui ne paient pas leur loyer. Obtenue par l'abbé Pierre après l'hiver 1954, la trêve des expulsions a démarré le 1er novembre. Pendant ces mois marqués par de très rudes coups de froid, elle a protégé les plus démunis en leur permettant de rester dans leur logement. "Mais durant ce répit, les dossiers ont continué à vivre, et dès le 1er avril les propriétaires vont faire le siège de nos études", souligne Pascal Thuet, de la Chambre nationale des huissiers de justice. Selon le 23ème rapport de la Fondation Abbé Pierre, 15.222 ménages ont été expulsés avec le concours de la force publique en 2017, soit environ 34.400 personnes, en légère hausse par rapport à 2015.

"La chute va être rude". Les locataires qui ont des difficultés à payer leur loyer ont donc commencé à recevoir des papiers du commissariat leur intimant l'ordre de quitter les lieux. C'est notamment le cas de Sana, qui vit avec son mari et sa fille dans 24m2 pour 700 euros par mois. Avec les dettes et la diminution des allocations logement, il devient de plus difficile de payer le loyer. "J'ai déjà reçu le papier du commissariat comme quoi je devais remettre les clés le 3 avril. A chaque fois que quelqu'un frappe à la porte, je me dis que c'est le commissariat qui vient. Je ne vis pas, j'ai du mal à dormir", témoigne la jeune femme à Europe 1.

Pour Ursula, l'expulsion devrait intervenir dans les prochains jours. "Je ne sais pas encore ce que je vais devenir mais j'ai une certitude : je vais tout perdre", dit, la gorge nouée, cette mère de deux enfants vivant dans un 30m2 à Paris. Cette quadragénaire qui attend un logement social depuis cinq ans cumule une dette de loyers de près de 16.000 euros : "J'ai l'impression d'être au bord d'une falaise. La chute va être rude".

"Conséquence de la cherté des loyers". Les personnes bénéficiaires du droit au logement opposable (Dalo), théoriquement protégées, ne sont pas épargnées. Selon le comité de suivi du Dalo, au moins 57 foyers reconnus prioritaires ont été expulsés en 2017. C'est le cas d'Hélène, 57 ans, expulsée une semaine avant le début de la trêve hivernale. A la mort de son mari il y a cinq ans, elle ne parvient plus à payer le loyer de son 150m2 à Paris. Les dettes s'accumulent et cette ex-cadre finit par être expulsée, avant d'être relogée dans un hôtel de Montreuil, en Seine-Saint-Denis. Une expérience vécue comme une dégringolade sociale et personnelle.

Une situation critiquée par les associations. "C’est la conséquence de la cherté des loyers qui impacte de plus en plus lourdement les foyers les plus modestes qui consacre plus de 50% de leurs ressources pour se loger", estime Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de Droit au logement. L'association appelle à une manifestation samedi pour s'opposer aux expulsions, avec un départ à 15h Place du palais royal avant de prendre la direction du ministère du logement.