Farid Benyettou, "repenti" du djihad, est "Charlie" : les victimes "consternées"

À la fin de son interview, Farid Benyettou avait brandi devant les caméras un badge "Je suis Charlie".
À la fin de son interview, Farid Benyettou avait brandi devant les caméras un badge "Je suis Charlie". © Capture d'écran C8
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avec AFP , modifié à
Les victimes d'attentats ont été "consternées" par le passage de Farid Benyettou sur C8, samedi. Le "repenti" du djihad a annoncé qu'il n'interviendrait plus publiquement.

Le "Je suis Charlie" télévisé prononcé par Farid Benyettou, ex-mentor des frères Kouachi, auteurs de l'attaque contre Charlie Hebdo, a provoqué la "consternation" des victimes d'attentats, conduisant le "repenti" du djihad à annoncer qu'il n'interviendrait plus publiquement.

"Au minimum une maladresse épouvantable". Samedi, Farid Benyettou, ancien "émir" autoproclamé de la "filière des Buttes-Chaumont", auteur de Mon djihad, itinéraire d'un repenti, a lancé dans l'émission Salut les terriens : "Bien sûr que je suis Charlie", brandissant un pin's "Je suis Charlie", en réponse à une question de l'animateur Thierry Ardisson. "Qu'un homme si proche des frères Kouachi, pour vendre son livre, fasse une telle déclaration sur un plateau télé relève au minimum d'une maladresse épouvantable pour les victimes", a déclaré lundi Guillaume Denoix de Saint-Marc, président de l'Association française des victimes de terrorisme (AFVT), ajoutant douter de la "sincérité" de ces mots.

Dans le Charlie Hebdo à paraître mercredi, la dessinatrice Coco répond aussi à la polémique avec ironie, en présentant Farid Benyettou comme un candidat à la présidentielle, ou vomissant sur les anciens locaux de "Charlie".

Ardisson lui aussi critiqué. "Ardisson lui non plus n'a pas été des plus élégants à faire la promotion du mentor des Kouachi alors qu'on commémorait l'attentat contre Charlie", a estimé Guillaume Denoix de Saint-Marc. Et de soupirer : "C'était un moment intéressant au niveau marketing. Dommage que cela prévale sur l'éthique."

L'invitation de Farid Benyettou "n'était pas une provocation", s'est défendu Thierry Ardisson dans une interview au Figaro, assurant que la séquence où Farid Benyettou brandit le badge n'était "pas prévue". "Je ne veux pas m'ériger en censeur ou en moralisateur. Les téléspectateurs, qui ont le droit de vote, sont assez intelligents pour se faire leur propre opinion", a argumenté l'animateur.

Benyettou n'interviendra plus publiquement. "J'ai pris conscience que mes apparitions médiatiques ont mis plusieurs personnes mal à l'aise", a réagi lundi par communiqué Farid Benyettou, annonçant sa décision de "ne plus intervenir publiquement à compter de ce jour".

Le CSA saisi. Les sénateurs Nathalie Goulet (UDI) et André Reichardt (LR), coprésidents de la commission d'enquête sur la lutte contre les réseaux djihadistes, ont annoncé saisir le Conseil supérieur de l'audiovisuel après une "séquence insupportable, mélange d'indécence et de cupidité, totale irresponsabilité à l'égard de la mémoire des victimes et de leurs familles". "Quel que soit le parcours dont se prévaut M. Benyettou, la scène en cause ne pouvait pas être vue autrement que comme une provocation à l'égard des victimes du terrorisme islamiste", ont-ils jugé.

Âgé de 35 ans, Farid Benyettou avait eu parmi ses adeptes en 2003 et 2004 les frères Chérif et Saïd Kouachi, auteurs de l'attentat contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Condamné à six ans de prison, dont quatre ans de sûreté, il en est sorti en 2009.