Est-il illégal de signaler un radar sur Facebook?

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LE POINT DE VUE DE - Quinze membres d'un groupe signalant la présence de contrôles dans l'Aveyron comparaissent mardi à Rodez. Interrogé par Europe 1, leur avocat dénonce une hypocrisie.

Le procureur de Rodez ne "like" pas l'appel de phares "numérique". "Je suis réveillé toutes les nuits, car des gens se tuent sur la route. C'est lamentable que certains préviennent de l'installation des radars".  C'est en ces termes que le magistrat a récemment justifié son combat à l'origine d'un procès inédit. Mardi, 15 personnes membres sur Facebook du "groupe qui te dit où est la police en Aveyron" doivent comparaître devant le tribunal correctionnel de la ville pour "soustraction à la constatation des infractions routières".

>> Mise à jour le 09/09/14 à 20h30 : Le parquet a requis des suspensions de permis de 15 jours à 4 mois contre les quinze membres du groupe.  Le jugement a été mis en délibéré au 3 décembre prochain à 14h.

Comme il en existe de nombreux dans toute la France, ce groupe qui comptait plus de 10.000 membres lundi soir, a vocation à signaler tout contrôle routier ou radar dans le département. Sur la page, les administrateurs préviennent que son usage est "informationnel et préventif, et ne nuira en aucun cas aux forces de l'ordre". Sauf que le procureur ne le voit pas du même œil et a ainsi décidé "de réprimer les gens qui cherchent à échapper à la loi".

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Justement, que dit la loi ? L'article R 413-15 du code de la route interdit les "détecteurs de radars" et prévoit une amende de 1.500 euros et un retrait de six points sur le permis. Un internaute peut-il être assimilé à un tel dispositif ?

 Me Rémy Josseaume, avocat de dix des prévenus et spécialisé en contentieux pénal et administratif routier, dénonce ici une "hypocrisie".

Qu'est-ce que le procureur reproche aux membres de ce groupe Facebook ?

Il leur reproche d'avoir utilisé un smartphone équipé d'une application Facebook qui permet de se connecter à un groupe permettant d'informer les autres usagers de la présence des forces de l'ordre dans le cadre notamment de contrôles de vitesse. C'est une première, la justice n'a jamais tranché cette question. Et la question est de savoir si ce qu'on leur reproche est fondé ou pas en droit.

Quelle est votre ligne de défense ?

Il faut regarder l'esprit de la réglementation, l'esprit de la loi.  L'esprit de la réglementation est aujourd'hui de prohiber et de réprimer ceux qui utilisent des détecteurs de radars ou des avertisseurs de radars. Lorsque la règlementation a changé en 2012, les avertisseurs de radars sont devenus illégaux. Les entreprises spécialisées comme Coyote ont alors simplement changé leur communication en faisant croire à tout le monde que l'on n'achetait pas ces appareils pour détecter les radars en les dotant d'autres fonctionnalités (en faisant ainsi des "outils d'aide à la conduite").

>> VIDÉO - L'interview éco du 03/11/12 : "les Coyotes ne sont plus des rebelles"

En janvier 2013, le Conseil d’État a été questionné sur la légalité de nouveau décret et a conclu précisément que l'interdiction portait sur les dispositifs qui n'ont que "spécifiquement" la fonctionnalité qui consiste à localiser un radar. En clair, les avertisseurs ancienne génération.  Ma ligne de défense est de dire que mes clients ne sont ni des détecteurs, ni des avertisseurs de radar. Ils sont au mieux - ou au pire- des outils d'aide à la conduite, ces avertisseurs nouvelle génération. Mes clients -et je le justifie- peuvent produire des centaines de pages avec des messages (publiés sur ce groupe) qui disent très clairement 'attention, il y a ici un véhicule en feu' ou 'attention, il y là du verglas'.

Vos clients ont-ils le sentiment d'avoir violé la loi ?

J'ai des clients qui n'ont pas commis ou qui n'avaient en tout cas pas l'intention de commettre une infraction. Pourquoi cela ? Parce qu'ils voient à côté d'eux des appareils qui sont vendus en ayant pignon sur rue, ou bien des gendarmes qui publient (la liste des points de contrôle) sur Facebook sans que cela ne dérange personne, ou encore le magazine Auto-Plus qui publie chaque année un guide anti-radars.

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L’État a lui-même publié pendant des années la liste des 2 ou 3.000 radars. C'est l'appel de phare du 21e siècle. Et l'appel de phares est parfaitement légal : cela a été tranché deux fois par les tribunaux, en cour d'appel.

Que peut-il ressortir de ce procès ?

Il peut se passer deux choses. Soit, c'est une condamnation ce qui donnerait un coup d'arrêt à toutes ces pratiques mais aussi à tous les dispositifs même ceux considérés aujourd'hui comme légaux. Et même Coyote est aujourd'hui dans la balance. Soit le juge estime que cela n'entre pas dans le cadre de la répression. Dans ce cas là, le magistrat renverra au législateur, à l'administration, le soin de compléter les lois ou d'améliorer les choses. Mais vous ne pouvez pas autoriser une pratique à quelqu'un et interdire cette même pratique à un autre.