Enseignement privé, cours à domicile : l'Etat renforce ses contrôles

© JACQUES DEMARTHON / AFP
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Najat Vallaud-Belkacem a présenté jeudi de nouvelles mesures pour encadrer l'enseignement privé hors contrat. 

En France, un peu plus de 56.000 enfants sont scolarisés dans des établissements privés qui n'ont pas signé de contrat avec l'Etat. Et 25.000 autres bénéficient de cours exclusivement donnés à domicile, soit le double par rapport à 2007, selon des chiffres révélées jeudi par le ministère de l'Education nationale. Enseignement religieux, méthodes d'éducation alternative etc. Les établissements et associations privées hors contrat ne bénéficient d'aucune aide de l'Etat, mais ils sont libres d'enseigner comme ils le veulent. Seule obligation : à 16 ans, leurs élèves doivent avoir le même niveau (en maths, en sciences, en français, en Histoire, en langues etc) que les autres. Mais face à des "risques de radicalisation", la ministre Najat Vallaud-Belkacem a annoncé jeudi un renforcement des contrôles. Europe 1 vous résume ce qui va changer.

En quoi la situation d'aujourd'hui pose-t-elle problème ? "On ouvre plus facilement une école en France qu'un restaurant ou un bar", a regretté jeudi la ministre lors d'un point presse. Aujourd'hui, il suffit, pour ouvrir une école primaire privée par exemple, d'être bachelier, âgé d'au moins 21 ans, de disposer de locaux et de faire une déclaration en mairie.  Le maire dispose ensuite de huit jours pour s'opposer à l'ouverture de l'établissement, un délai jugé très insuffisant par l'Association des maires de France. L'Etat (préfet, recteur, procureur) dispose, lui, d'un mois pour s'opposer. Une fois ce délai passé, l'école ne peut être fermée que sur décision de justice, après un processus long et compliqué. Certaines associations auraient ainsi ouvert des établissements en plein été, profitant des réductions d'effectifs dans les administrations, liées aux vacances, pour passer entre les gouttes.

"Nous sommes depuis plusieurs années dans un contexte où les signalements d’élus, d’inspecteurs, d’établissements, d’associations se multiplient. L’Etat ne peut être ni aveugle ni naïf", lançait, en avril dernier sur France 2, Najat Vallaud-Belkacem. Comme le rappelle Le Monde, "la vague d’inspections menées, cet hiver, dans une vingtaine d’établissements – pas tous musulmans – signalés comme problématiques avait conclu à des 'faiblesses pédagogiques' dans huit d’entre eux. Au moins cinq s’apprêtent à faire l’objet d’une saisine de la justice pour fermeture".

" Restrictions de la liberté pédagogique des établissements "

Ce qui va changer. A partir de la rentrée 2017 - le temps de modifier le Code de l'éducation -, les porteurs d'un projet devront déposer une demande quatre mois au minimum avant l'ouverture de l'école. Quatre mois pendant lesquels les mairies ET l'Etat pourront s'opposer à l'ouverture d'un établissement.

L'enseignement à domicile, lui aussi, sera davantage encadré. Le Code de l'éducation précisera noir sur blanc que les inspecteurs qui viendront faire des contrôles à domicile auront le droit de tester les élèves sur place. Jusqu'à présent, un flou existait et depuis 2007, 175 familles ou associations ont porté plainte contre les inspecteurs qui imposaient aux élèves de faire des exercices devant eux. Le nombre de contrôles, également, sera augmenté. De 300 à 350 par an aujourd'hui, la ministre en promet 400 en 2017, notamment grâce aux renforts de professeurs volontaires. En plus de ces contrôles prévus à l'avance, le gouvernement promet qu'une cinquantaine de contrôles "inopinés" auront lieu chaque année.

Les inspecteurs, enfin, seront mieux formés : sur le socle commun que doit connaître chaque  élève, mais aussi sur les "méthodes alternatives" d'éducation les plus pratiqués par les familles. Ils devront également s'assurer que les "valeurs de la république" sont bien respectées, même dans les domiciles : égalité des enseignements entre les garçons et les filles, absence d'appel à la haine dans les discours des professeurs etc.

Un dossier explosif ? Les partisans des écoles hors contrat voient dans ces mesures une tentative d'affaiblir la liberté de l'enseignement, garantie par la loi française. "Entre considérations d’ordre public, restrictions de la liberté pédagogique des établissements, affichage symbolique… qu’en résultera-t-il et où se situera l’équilibre final d’une telle mesure ?", s'inquiétait, par exemple, Pascal Balmand, le secrétaire général de l’enseignement catholique, dans un courrier envoyé au gouvernement fin avril, cité par Le Monde. Doté d'une forte capacité militante, l'enseignement privé menace de faire entendre sa voix dans la future campagne présidentielle, qui se tiendra quelques mois avant l'entrée en vigueur des nouvelles règles.