Emmanuel Todd : le 11 janvier, "ils manifestaient contre l'islam"

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Emmanuel Todd était l'invité de David Abiker le 10 mai 2015 © AFP/ERIC FERERBERG
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L'intellectuel français revient sur la polémique suscitée par son essai Qui est Charlie ? dans C'est arrivé demain de David Abiker.
INTERVIEW

Le brûlot d'Emmanuel Todd a poussé le Premier ministre à réagir. Manuel Valls a dénoncé jeudi les "impostures" de l'intellectuel français qui a publié Qui est Charlie ?, un essai revenant sur les manifestations qui ont suivi les attentats du mois de janvier en région parisienne. Invité de David Abiker dans l'émission C'est arrivé demain sur Europe 1, Emmanuel Todd admet avoir "répondu avec un niveau de brutalité équivalent, voire supérieur" aux critiques du Premier ministre, comparé au maréchal Pétain. Aujourd'hui, le sociologue veut "revenir dans le débat scientifique", sur "la discussion de fond".

"On peut rejeter mon livre mais il faut rejeter toute la sociologie". Avec Qui est Charlie ?, Emmanuel Todd affirme que "le moment est venu d'essayer de comprendre ce qui s'est passé", ce qui a poussé des millions de personnes à manifester au lendemain des attentats. Pour le sociologue, "les manifestants ne voulaient pas voir qu'ils manifestaient contre l'islam" dans un mouvement "au nom de la laïcité". C'est cette idée développée dans l'essai qui a mis le feu aux poudres. Pour Emmanuel Todd, son analyse repose sur une étude sociologique sérieuse : "L'idée même de la sociologie, c'est qu'il existe des forces sociales qui manient les individus. Cela ne veut pas dire que les gens ne sont pas libres. Ils le sont, mais en partie seulement", plaide-t-il. "On peut rejeter mon livre", assure Emmanuel Todd, "mais dans ce cas, il faut rejeter toute la sociologie".

"Le catholicisme tout frais dans la tête". Le sociologue s'est intéressé à l'origine des manifestants, parmi lesquels "les professions supérieurs, les cadres intellectuels" sont "surreprésentés" au détriment "du monde populaire relégué dans le fond des départements, des gosses d'origine maghrébine". Emmanuel Todd a noté également "la surreprésentation des régions où le catholicisme est resté vivant, dans l'Ouest, l'Est ou la région Rhône-Alpes". "Une fois qu'on a découvert que les gens les plus motivés étaient ceux qui avaient le catholicisme tout frais dans la tête, on se pose des questions", a-t-il dit sur l'antenne d'Europe 1.

"Ce qui m'a conduit à écrire ce livre en 30 jours, ce n'est pas la défense des musulmans", explique le sociologue, qui affirme "n'avoir aucun angélisme". Il a pris la plume pour "une prise de conscience d'une situation d'antisémitisme que les gens ne voient pas".

Deux scénarios pour l'avenir. Sur Europe 1, le sociologue est également revenu sur les conclusions de son livre, "en fait très modérées", déclare-t-il. "Le livre plaide pour un accommodement avec l'islam", dit-il, ajoutant que 'toute confrontation sera désintégratrice pour la société française". Pour l'avenir de la France, Emmanuel Todd "deux scénarios". Soit "la confrontation - et nous sommes là-dedans. Cela va donner plus d'islamophobie, d'antisémitisme et une France isolée". Soit "l'accommodement. On reviendrait à la vraie tradition républicaine, d'une acceptation du catholicisme comme pendant la IIIe République. On sort de la phobie, on arrête d'essentialiser l'islam et de surestimer son importance et on l'accepte. On accélère la construction des mosquées pour que tout le monde soit tranquille et paisible".

>> Réécoutez l'intégrale de C'est arrivé demain de David Abiker :