Dix ans après sa mort, ils n'ont pas oublié sœur Emmanuelle : "C'était une dynamite"

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© JEAN-PIERRE CLATOT / AFP
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Carole Ferry, édité par Romain David , modifié à
Europe 1 s'est rendu dans le Var, à la rencontre des derniers associatifs et sans-abri aux côtés desquels s’est battue la petite sœur des chiffonniers, juste avant sa disparition à l'aube de ses 100 ans.
TÉMOIGNAGE

Il y a dix ans disparaissait sœur Emmanuelle. Si l'investissement de la religieuse franco-belge au Caire, en Egypte, est largement connu, ses années dans le Var sont restées plus confidentielles. Elle y a pourtant passé les dix dernières années de sa vie, dans une maison de retraite à Callian, où elle est enterrée. À l'occasion de l'anniversaire de sa mort, Europe 1 est allé recueillir les souvenirs des dernières personnes qui l'ont côtoyée.

"Pas de tralala avec sœur Emmanuelle". Très régulièrement, sœur Emmanuelle se rendait dans une villa de Fréjus. La religieuse s'est battue pour que cette maison soit attribuée à l'association des amis de Paola, agréée Fondation Abbé Pierre. Désormais, les sans-abris des environs viennent y passer leur journée pour manger et laver leur linge. À plus de 90 ans, elle venait elle-même y dormir une fois par semaine, comme le raconte deux anciens volontaires, Antoine et Patrick : "On est là dans un bureau. C'était sa chambre, avec un lit et une petite table, vraiment le confort d'une cellule monacale".

Les deux hommes se souviennent d'une femme énergique, franche et directe : "Il n'y avait pas de tralala avec sœur Emmanuelle. Quand elle avait envie de vous poser une question, elle vous prenez à froid. Quand le préfet est rentré ici, elle lui a dit : "qu'est-ce que tu fais pour les pauvres ?"

"J'étais en admiration devant elle". Sœur Emmanuelle savait aussi se faire remarquer par sa vivacité d'esprit, et sa capacité à faire mouche. "J'ai des souvenir précis de nos premières réunions d'association. Tout le long du conseil d'administration on avait l'impression qu'elle dormait, et puis, en fin de séance, sœur Emmanuelle avait tout enregistré. Elle avait repéré deux ou trois trucs à dire, et ce qu'elle disait était étonnant de justesse." Admirée de tous, la petite sœur des chiffonniers a pourtant toujours refusé les compliments. "C'est une femme qui m'a épaté. J'étais en admiration devant elle. Je ne lui disais pas, parce qu'elle n'aimait pas ça. […] C'était une dynamite."

Une religieuse sans tabou. Éric aussi l'a bien connue. À 46 ans aujourd'hui, il vit de petits boulots et habite dans un mobile home. Il se souvient avec émotion de ses discussions avec sœur Emmanuelle : "On pouvait parler de tout, de drogue, de sexualité… Elle n'avait pas de tabou", raconte-t-il. "Ce qui m'a marqué c'est sa joie de vivre, son empathie envers les gens. Comme elle avait vécu dans des situations très précaires, quand elle répondait, elle se mettait à notre niveau".

La dernière fois qu'elle est venue à Fréjus, c'était encore pour se battre, et pour que soient installés des jardins cultivables à l'intention des sans-abri. C'était six mois avant sa mort, à 99 ans, la religieuse était venue en fauteuil roulant, avec un masque à oxygène.