"Dérives et excès" dans la lutte contre la fraude aux prestations sociales

La fraude aux prestations sociales ne représente que 3% du montant total de la fraude détectée en 2015
La fraude aux prestations sociales ne représente que 3% du montant total de la fraude détectée en 2015 © PHILIPPE HUGUEN / AFP
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avec AFP , modifié à
Dans un rapport publié jeudi, le Défenseur des droits estime que la lutte contre les fraudes aux prestations sociales est trop rigide et qu'un "droit à l'erreur" serait une solution opportune" pour garantir un meilleur respect de leurs droits.

Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, signale des "dérives et excès" dans la lutte contre la fraude aux prestations sociales, et estime que la généralisation d'un "droit à l'erreur" contribuerait à un meilleur respect des droits des usagers des services publics, dans un rapport publié jeudi.

Un système peu tolérant. Une personne âgée à laquelle on refuse l'ASPA (ex-minimum vieillesse) parce qu'elle a oublié de déclarer un compte d'épargne crédité d'un peu plus de 27 euros, un retraité installé en Algérie obligé de rentrer en France, gravement malade, pour "certifier de son existence" auprès de la caisse de retraite... Le rapport fourmille d'exemples illustrant "de nombreuses atteintes aux droits des usagers de services publics".

Une fraude relative par rapport à la totalité des fraudes fiscales. Depuis 2014, le Défenseur des droits a observé une hausse "significative" des réclamations, "liées au durcissement de la lutte contre la fraude aux prestations sociales". Sans remettre en cause la "légitimité" de cette politique publique, il rappelle que la fraude aux prestations sociales ne représente que 3% du montant total de la fraude détectée en 2015 : soit 677,76 millions d'euros d'après la Délégation nationale à la lutte contre la fraude (DNLF), comparé à 21,2 milliards d'euros pour la fraude fiscale.

Son montant est également beaucoup moins important que le "non-recours" (personnes qui ne demandent pas une prestation à laquelle elles sont éligibles), estimé à près de quatre milliards d'euros en 2010 pour le seul RSA.

Un "droit à l'erreur" serait une "solution opportune". Exemples à l'appui, le Défenseur des droits regrette que l'erreur et l'oubli puissent être assimilés à de la fraude, même si les organismes de protection sociale interrogés affirment faire la différence. Il considère que la généralisation d'un "droit à l'erreur" pour les demandeurs et bénéficiaires de prestations sociales pourrait constituer "une solution opportune" pour garantir un meilleur respect de leurs droits.

Un projet de loi sur le "droit à l'erreur", promesse de campagne d'Emmanuel Macron et qui concernerait particuliers et entreprises, est attendu dans les prochaines semaines.

Mieux informer les allocataires. Parmi ses recommandations, Jacques Toubon souligne le besoin de mieux informer les allocataires pour éviter les erreurs. Il signale les risques de discrimination que comporte le "data mining", méthode consistant à cibler les contrôles selon un profil type, établi à partir des données concernant des fraudeurs déjà identifiés. Il recommande de réfléchir à des alternatives à cette méthode, et de mettre fin au contrôle ciblé des personnes nées en dehors de l'Union européenne.