Comment les policiers vivent l'affaire Théo

Leur quotidien a changé depuis le début de l’affaire, assurent les fonctionnaires d'Aulnay-sous-bois.
Leur quotidien a changé depuis le début de l’affaire, assurent les fonctionnaires d'Aulnay-sous-bois. © AFP
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Salomé Legrand , modifié à
Après l'interpellation violente de Théo, un jeune homme de 22 ans, la semaine dernière à Aulnay-sous-Bois, les policiers craignent d'être stigmatisés.
L'ENQUÊTE DU 8H

Ils oscillent entre perplexité et crainte. Après la mise en examen de quatre policiers, dont un pour viol, après que Théo, 22 ans, a été gravement blessé à coups de matraque lors de son interpellation la semaine dernière à Aulnay-sous-Bois, les policiers de terrain sont inquiets. Ils craignent que cette nouvelle affaire vienne compliquer un quotidien déjà difficile.

"Un fait isolé". Dans le commissariat des quatre policiers mis en examen, leurs collègues s'étonnent. S'ils ne sont pas surpris qu'une interpellation puisse mal tourner, avec la pression et les conditions de travail difficiles, ils peuvent en revanche difficilement imaginer qu’un de leurs collègues ait pu intentionnellement commettre un tel acte, qui est un crime. "Si cela a vraiment été fait, c'est une erreur et ce fonctionnaire va payer cette erreur. Mais d'un fait isolé on va en faire une généralité, alors que tous les jours il y a des hommes et des femmes qui œuvrent pour garantir la sécurité des biens et des personnes sur des zones qui sont plus que difficiles", souligne Jean-Pierre, un policier de Seine-Saint-Denis qui craint que toute la police n'en pâtisse.

"Ils attendent qu'on monte en pression". Leur quotidien a changé depuis le début de l’affaire, assurent les fonctionnaires d'Aulnay-sous-bois. Des tags "policiers = violeurs" sont apparus sur les murs devant le commissariat. Et les relations sont encore un peu plus tendues. "Le jour même, sur un contrôle, il y en a un qui a sorti une pique sur l'affaire d'Aulnay. Ils attendent qu'on monte en pression", raconte un policier qui a souhaité rester anonyme. "Il ne faut pas tomber dans le piège. Il ne faut pas monter sur ses grands chevaux et faire partir la situation en cacahuète car on aura systématiquement tort, surtout en ce moment".

La visite d'Hollande ne passe pas. Les policiers ont également l’impression d’être lâchés par les politiques. La visite de François Hollande avant-hier à Théo à l’hôpital ne passe pas. Pourquoi ? Parce que le président n’est pas allé au chevet des policiers brûlés à Viry-Châtillon début octobre après une attaque aux cocktails Molotov.

Dans les équipes, l'amertume est palpable, assure Jean-Pierre, 20 ans de terrain dans le département. "Dans l'équipe, il se dit qu'il est temps de quitter la voie publique. Est-ce que ce n'est pas mieux de se retrouver dans un bureau, avec le même salaire, sans le risque ?", s'interroge-t-il. Pourtant dans ces zones compliquées ce sont ces policiers de terrain expérimentés qui manquent pour encadrer les plus jeunes.