Bruno Gazeau sur la SNCF : "On ne peut pas supprimer les petites lignes, sinon c'est la mort de la France"

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A.D , modifié à
Bruno Gazeau, président de la la Fédération nationale des associations d'usagers des transports, appelle à une nouvelle organisation du travail, à l'ouverture à la concurrence et au maintien des petites lignes.
INTERVIEW

Le rapport Spinetta sur l'avenir ferroviaire, remis jeudi au gouvernement, a fait trembler la SNCF, avec notamment des propositions sur les investissements, la fermeture de lignes et la refonte du statut des cheminots. Bruno Gazeau, président de la la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (Fnaut), était l'invité de l'émission C'est arrivé cette semaine. Pour Europe 1, il analyse cette révolution annoncée.

"Remettre de l'équité". L'arrivée de ce rapport "important" n'étonne pas le spécialiste. "Il arrive après beaucoup de crises à la SNCF. Il y a eu plusieurs lois en 2014, en 1997. Ce n'est pas nouveau", mais le rapport est selon lui "très financier et occulte deux dimensions : l'aménagement du territoire - il est très parisien - et la transition énergétique." Le spécialiste précise l'aspect financier : "Le rapport oublie que le transport ferroviaire est en compétition avec d'autres modes de transport. L'Etat ne traite pas de l'équité entre les modes. Par exemple, l'avion ne paye pas sa TVA sur le kérosène. Ça représente un milliard, c'est un avantage caché considérable. Hors autoroute, l'usager de la route ne paye pas la route." Et en train, poursuit-il, "vous payer le sillon ferroviaire qui représente 40% du billet. Il faut remettre de l'équité entre les modes."

L’organisation du temps de travail à revoir. Un des gros bouleversement du rapport est par ailleurs de préconiser la transformation du statut de cheminot. En l'espèce, Bruno Gazeau distingue le statut ("retraite, sécurité de l'emploi, maladie") de l'organisation du travail. "Derrière le statut, souvent, on met les conditions de travail (le temps de travail, l'organisation des roulements, etc.) et ça ne relève pas du statut ! Là-dessus, il y a des gains considérables à faire, que les entreprises privées se proposent de faire. C'est la différence entre le coût du ferroviaire en France et en Allemagne ou en Suisse. Il y a un écart de 20 ou 25%, et il faut le combler", assure Bruno Gazeau. 

Entendu sur europe1 :
C'est une vision méprisante de dire les 'petites lignes'. En région, on ne peut pas les supprimer

"Besoin de RER dans toutes les métropoles". Le rapport a aussi fait hurler en appelant à la mort programmée des petites lignes hors zone urbaine. "Il y a besoin de moderniser et de marier les réseaux ferroviaires et les réseaux urbains. Il faut que les régions et les métropoles fassent des projets communs. Il y a besoin de RER dans toutes les métropoles de France et ça n'a pas été fait (...) Et il ne faut pas séparer le TGV du reste du réseau mais le marier avec le TER", voire raccrocher, selon lui, d'autres axes de mobilité (car, covoiturage, etc.) sur l'infrastructure ferroviaire qui "doit rester majeure".

Des tarifs bas qui profitent "à ceux qui n'en ont pas besoin". Et sans pour autant défendre toutes les lignes, Bruno Gazeau insiste : "C'est une vision méprisante de dire les 'petites lignes'. En région, on ne peut pas les supprimer, sinon c'est la mort de la France. Le développement économique est d'un tiers dans les villes moyennes." Il assure qu'il existe des possibilités de maintenir ces lignes : "d'abord la concurrence des opérateurs et la complémentarité des modes". Le spécialiste pointe encore deux écueils : les petits prix qui bénéficient aux gens "qui n'en ont pas besoin car ce sont ceux qui peuvent s'y prendre à l'avance" et la qualité du service défaillante en termes de ponctualité. "La SNCF plafonne à 90%" de trains à l'heure "dans le meilleur des cas. Il faut 96 ou 98%. Là, on arrive une fois par semaine en retard au travail, ce n'est pas acceptable".