Affaire Cantat : "il est inexact de le présenter comme un meurtrier"

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Bertrand Cantat, condamné en 2004 à huit ans de prison, avait été libéré en 2007. © GUILLAUME SOUVANT / AFP
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NM , modifié à
Le juge Philippe Laflaquière, qui a décidé en 2007 de libérer Bertrand Cantat, revient sur la Une des Inrocks qui a suscité la polémique. Il regrette que le chanteur ne bénéficie pas du droit à l'oubli.

Bertrand Cantat est revenu dans la lumière le 6 octobre dernier à l'occasion de la sortie d'un nouveau single. Mais cette médiatisation a aussi relancé la polémique autour du chanteur, condamné en 2004 après la mort sous ses coups de sa compagne Marie Trintignant. Cela fait 10 ans que Bertrand Cantat a été libéré, l'occasion pour le juge qui s'est occupé de son dossier de revenir sur l'affaire dans les pages du Parisien samedi. Philippe Laflaquière y rappelle que le chanteur réunissait toutes les conditions pour sortir de prison. 

Un homme "réservé, fragile". Alors qu'il était vice-président de l'application des peines du tribunal de Toulouse, Philippe Laflaquière a eu en charge la détention de Bertrand Cantat, condamné en 2004 à huit ans de prison. Il rappelle que le dossier de cet homme "à l'apparence juvénile, réservé, fragile", remplissait tous les critères exigés par la loi pour être libéré de manière conditionnelle : comportement irréprochable, psychothérapie, indemnisation complète des parties civiles et bien sûr une activité professionnelle à la sortie". 

" Lui-même n'oubliera jamais ses actes "

Il n'est pas "un meurtrier". Le magistrat se souvient aussi de la pression médiatique énorme durant la période précédant l'audience qui allait décider de la libération du chanteur, entre "menaces de mort" et "attaques". "Mais il n'y n'avait strictement aucune raison de refuser cette libération justifiée et méritée, au motif que le détenu était célèbre", insiste le magistrat. La suite des événements lui donne raison selon lui puisque la libération, en 2007, "s'est déroulée sans le moindre incident". Et ensuite, Philippe Laflaquière trouve que "son retour sur la scène publique s'est déroulé de manière progressive, discrète, décente", ce qui est la "règle pour la réinsertion des condamnés". Enfin, l'ancien juge met aussi les points sur les "i" en rappelant que Bertrand Cantat n'est pas un "meurtrier" : il a été condamné pour "coups mortels" et non pour "homicide volontaire", indique-t-il.

"Dans une prison intérieure". Le magistrat regrette cependant la manière dont l'opinion publique a accueilli la dernière médiatisation de Bertrand Cantat. Alors que les autres condamnés à de longues peines bénéficient au bout d'un certain temps d'"un droit à l'oubli", "c'est impossible" pour le chanteur, constate Philippe Laflaquière. Et s'il comprend "l'émotion" suscitée par la Une des Inrockuptibles, ce n'est pas le cas des "réactions incroyablement violentes, parfois haineuses". Pour le juge, Bertrand Cantat n'a pas besoin de cela : "il n'oubliera jamais ses actes". "Depuis une certaine nuit de juillet 2003, je le crois plongé dans une culpabilité profonde, une souffrance inextinguible, une prison intérieure dont aucun juge ne pourra le libérer", explique-t-il.