Mangera-t-on des cerises cet été ?

© GAIZKA IROZ / AFP
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La France a suspendu la production et l'importation de cerises traitées au diméthoate, un insecticide très utilisé. Quelles en seront les conséquences ? 

Y aura-t-il des cerises sur les étals cette année ? Le gouvernement a interdit, la semaine dernière, l'utilisation en France de l'insecticide diméthoate, très utilisé par les producteurs. Et elle a décidé vendredi de suspendre jusqu'à décembre toutes les importations de cerises traitées avec ce pesticide. Si l'arrivée des cerises dites "précoces", attendue pour le mois de mai, ne devrait pas être compromise, les consommateurs risquent de ne pas pouvoir en acheter après le début de l'été. Décryptage.

Qu'est-ce que le diméthoate ? Cet insecticide était utilisé pour combattre deux insectes particulièrement attirés par les cerises : la "mouche des cerise", qui abime la cerise et pond des larves dedans sans non plus la rendre immangeable, et surtout la "drosophile suzukii", un moucheron ravageur apparu en France en 2010 et qui transforme la cerise en un véritable vinaigre.

Mais l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a interdit le 1er février la mise sur le marché du seul produit restant à base de diméthoate, le fabricant n'ayant pas fourni les précisions demandées. Or, l'agence estime que ce produit entraine des "risques inacceptables" pour le consommateur, les cultivateurs et la faune. L'insecticide "faisait planer sur la filière un danger lié au risque d'un accident sanitaire". Car pour que le produit soit vraiment efficace, il fallait souvent dépasser massivement les doses autorisées, souligne Emmanuel Aze, chargé des pesticides à la Confédération paysanne, qui se réjouit de l'interdiction.

Toutes les cerises sont-elles concernées ? Le hic, c'est que de nombreux producteurs français utilisaient ce pesticide. Il existe deux grandes catégories de cerises : les précoces et les tardives. Les premières  devraient arriver sans problèmes sur les étals dans les jours qui viennent, car les deux insectes cités plus haut n'attaquent pas les cerises précoces. La plupart des producteurs de cerises tardives, en revanche, utilisent le diméthoate. Les producteurs de cerises convertis à l'agriculture biologique ne représentent qu'entre 5 et 10% du secteur, et l'on ne retrouve leurs produits que sur des circuits courts (marchés, Amap etc.). Pour pallier le manque, la France a certes autorisé l'importation de cerises "bio" de l'étranger. Mais le prix risque de doubler dans les étals des supermarchés.

Les producteurs peuvent-il se passer du diméthoate ? Les producteurs français de cerises tardives non "bio", quant à eux, risquent d'avoir du mal à se retourner en si peu de temps. La méthode la plus efficace pour lutter contre les insectes ravageurs sans pesticide consiste à installer des filets tout autour du verger. Mais elle nécessite d'investir dans un équipement et un terrain particulier, plat, permettant de planter des arbres en axe. Un investissement impossible en si peu de temps, et qui peut s'avérer au-dessus des moyens de nombreux producteurs. Il existe également d'autres types de pesticides : les spinosynes ou le cyantraniliprole par exemple. Mais ils sont plus chers et surtout 50% moins efficaces contre la "drosophile suzukii".

"L'utilisation d'insectes ou de minéraux pour remplacer les pesticides sont à l'étude. Mais la plupart des substituts au diméthoate n'en sont qu'à des phases d'expérimentation", reconnaît François Warlop, ingénieur au Groupe de recherche en agriculture biologique (Grap), contacté par Europe 1. "Cela fait six ans qu'on demandait une telle interdiction. Jusque-là, la recherche sur les outils biologiques n'avait pas abouti à une solution. Mais personne ne voulait vraiment investir dedans. Avec cette interdiction, cela devrait relancer la recherche. Même s'il est vrai que l'annonce intervient un peu tard et qu'il sera difficile pour les producteurs traditionnels d'expérimenter autre chose cette année", poursuit  François Warlop.

Les producteurs traditionnels ont désormais les yeux tournés vers le ciel : seule la météo pourra sauver la saison des cerises tardives cette année. En cas de météo douce et humide, comme c'est généralement le cas en fin de printemps et en été, la "drosophile suzukii" fera des ravages.