Attentats : comment un pays peut s’en remettre ?

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Trois jours après la vague d'attentats sans précédent qui a frappé la France, plusieurs experts ont livré sur Europe 1 un début de réponse.

Comment continuer à vivre, individuellement et collectivement, après ça ? Trois jours après les attentats du 13 janvier, la France, en deuil national, pleure toujours ses morts. Difficile, dans ces circonstances, de se projeter en tant que citoyen et en tant que pays. Sur Europe1, lundi, plusieurs spécialistes ont toutefois donné quelques pistes pour surmonter ces événements.

Avoir conscience que les victimes ne sont pas mortes pour rien. "Les morts sont pas morts pour une cause qui n'était pas la leur : ils sont morts pour la façon dont ils vivaient la démocratie et leur vie", estime Didier François, journaliste à Europe 1. "Ils sont tombés pour nos valeurs et parce que c'est leur mode de vie que visaient nos ennemis", a-t-il encore dit avant d'insister : "ils ne sont pas morts pour rien".

Être solidaire mais laisser le deuil aux endeuillés. "Le deuil, c'est lorsque l'on a perdu un proche", rappelle Hélène Romano, docteur en psychopathologie. "Il ne faut pas s'approprier le deuil des personnes qui ont perdu quelqu'un dans les attentats. Eux seuls sont en deuil. La France soutient le deuil, ce n'est pas la même chose", met en garde la psychologue.

"Si on dit que tout le monde est en deuil, on met tout le monde au même niveau et on soumet les Français à une injonction de la victimisation", estime-t-elle. Or, pour la psychologue, il est essentiel de distinguer les situations : "il y a les endeuillés, les victimes psychiques qui ont été témoins des attentats, les victimes somatiques et la population française". "La population française si elle veut sortir de l'effroi et donner du sens à tout cela doit soutenir et être disponible pour les endeuillés… mais ne pas vivre le deuil à leur place", a-t-elle tranché.

Oui à l'émotion, mais attention à ne pas se laisser submerger. "L'émotion est normale dans ces circonstances", commente Gérald Kierzek, le médecin d’Europe 1. "Mais si l'émotion déborde et devient incontrôlable, une prise en charge est nécessaire", souligne-t-il. S'il n'y a pas de stress post-traumatique possible chez des gens n'ont pas été au plus près des attentats, "il peut y avoir un certain nombre de décompensation psychique chez des sujets déjà fragiles".

Faut-il consulter même si on n'est pas touché de près par les attentats ? " Les Français qui ont peur, qui sont émus, qui pleurent, ont des réactions adaptées à l'horreur des événements. Inutile pour eux de se précipiter chez un psychiatre", recommande Hélène Romano. "Cela voudrait dire qu'avoir peur est pathologique, mais avoir peur est normal", estime-t-elle. "On est dans une période de sas intermédiaire. En psychiatrie, on parle de troubles au-delà d'un mois ", rappelle-t-elle. D'ici là, elle invite les gens à prendre soin d'eux "individuellement et collectivement". Pour elle, il faut "apprendre à s'écouter, à trouver les ressources individuelles et collectives pour aller mieux".

Faire quelque chose de sa peur. "Cette peur, il faut en faire quelque chose : être solidaire, être attentif, dire aux autres qu'on les aime, se dire que l'on connait la valeur de la vie", souligne Hélène Romano.

Se concentrer sur ce qui nous unit. "Ce qui nous lie, c'est que nous appartenons à la même nation et que nous relevons d'un même État", pointe Olivier Duhamel, politologue.  "Dans ces circonstances dramatiques, il faut resserrer les liens qui nous unissent. C'est la fonction première de l’État d'exprimer cela. C'est justement le sens de toutes les actions symboliques : drapeaux en berne, deuil national, minute de silence…", rappelle-t-il.

Pour lui, c'est à l’État - avec l’État d'urgence, les mesures annoncées, les perquisitions - d'agir contre les terroristes : "nous, nous nous sommes relativement démunis par rapport à eux, mais nous nous pouvons agir en montrant notre unité, en exprimant que nous surmontons notre peur, en nous rendant dans un certain nombre de lieux comme on le fait", souligne-il.

Trouver l'équilibre entre sécurité et liberté. "Il faut savoir quel est le degré de sécurité que l'on accepte et qui fait un peu baisser notre degré de liberté", analyse Didier François. "Après les attentats de janvier, on aurait pu se poser la question de manière plus forte mais je pense qu'à l'époque tout le monde a cru que Charlie, c'était très ciblé", estime le journaliste. Et Didier François de conclure : "cette fois, la population se rend compte que tout le monde peut être touché et les gens se disent qu'ils sont prêts à accepter plus de choses qu'en janvier".