1939-45 : bientôt un mémorial en France pour les victimes civiles ?

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Hôpital Lariboisière à Paris. Image d'illustration © THOMAS SAMSON / AFP
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N.M. avec AFP , modifié à
L'historien Jean-Pierre Azéma propose d'édifier un monument pour les victimes civiles de la Seconde Guerre mondiale, notamment pour les malades mentaux morts de faim dans les hôpitaux. 

L'historien Jean-Pierre Azéma propose d'ériger un monument dédié à la mémoire de toutes les victimes civiles en France pendant la Seconde Guerre mondiale, dont les "45.000 malades mentaux morts de faim", dans un rapport au gouvernement rendu public mardi.

Une plaque à l'entrée des hôpitaux psychiatriques. Jean-Pierre Azéma, président du comité scientifique de la mission du 70e anniversaire de la seconde guerre mondiale, avait été chargé de dresser un état des connaissances sur le sort des malades mentaux pendant cette période, et de proposer des gestes mémoriels. Il estime préférable de "ne pas s'en tenir au drame vécu par les seuls malades mentaux" et de dédier un monument, qui pourrait s'élever sur le parvis des droits de l'Homme à Paris, à toutes les victimes civiles, "mortes de faim et de froid dans l'indifférence, durant l'occupation". "À l'entrée des hôpitaux psychiatriques qui furent en service durant la guerre serait également apposée une plaque rappelant que 45.000 malades mentaux sont morts de faim en France entre 1940 et 1945", ajoute-t-il. "Enfin, une commémoration officielle de 'l'hécatombe' pourrait se faire lors de la journée nationale des personnes en situation de handicap".

Les handicapés mentaux, victimes de la faim. Le drame vécu par les handicapés mentaux a longtemps été passé sous silence, avant d'être médiatisé à la fin des années 80, rappelle Jean-Pierre Azéma. "Il s'en suivit deux décennies de débats concernant les responsabilités de l'hécatombe". "L'ouvrage de référence", à ses yeux, reste celui de l'historienne Isabelle von Bueltzingsloewen, publié en 2007. "Elle a raison de soutenir qu'il n'existe aucune directive qui prouverait que le régime de Vichy a bien eu l'intention d'éliminer les malades mentaux", écrit l'historien.  Pour lui, "c'est bien la politique systématique de prélèvements considérables pratiqués par l'occupant qui rend la situation alimentaire dramatique" à cette époque.

Pas de politique d'extermination en France. Jean-Pierre Azéma souligne par ailleurs que le Reich "n'eut jamais l'intention de mener une opération socio-idéologique identique à T4 en France". Aktion T4, le meurtre de masse des handicapés mentaux et physiques par le nazisme en Allemagne et dans certains pays annexés, fit entre 200.000 et 250.000 victimes.

Une pétition circule. Lancée sur change.org en octobre 2013 par l'anthropologue Charles Gardou, une pétition réclamait pour sa part la création d'un mémorial dédié aux personnes handicapées "victimes du régime nazi et de Vichy".  Adressée au président François Hollande en mai 2014, cette pétition a reçu le soutien d'une centaine de personnalités et 94.000 signatures, rappelle le rapport remis le 13 octobre aux secrétaires d'Etat Jean-Marc Todeschini (anciens combattants et Mémoire) et Ségolène Neuville (Personnes handicapées et lutte contre l'exclusion). "Ses propositions doivent maintenant être partagées et discutées (...) afin de proposer au Président de la République les gestes qui permettront d'inscrire dans la mémoire nationale le souvenir de ces victimes trop longtemps oubliées", ont indiqué les deux ministres dans un communiqué.