Quatre idées reçues sur la pénurie d'eau dans le monde

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Il ne suffit pas de moins consommer d'eau dans notre quotidien car c'est l'agriculture qui consomme 70% de l'eau douce dans le monde. Image d'illustration. © RODGER BOSCH / AFP
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La crise de l'eau, qui touche la moitié de l'humanité, n'est pas si simple à régler qu'on peut le penser.

En 2050, 5,7 milliards d'êtres humains pourraient vivre dans des régions où l'eau manque au moins un mois par an. Ce sera presque six humains sur dix. Voilà le constat alarmant qu'a fait l'ONU lors du 8ème forum international de l'eau qui s'est terminé vendredi à Brasilia, au Brésil. Mais les chiffres actuels ont déjà de quoi inquiéter puisque la moitié de l'humanité manque d'ores et déjà d'eau, une ressource pourtant vitale. Cependant, tant que de l'eau sort de notre robinet, il est difficile de réaliser l'ampleur de l'urgence. D'autant plus que le problème de l'eau peut sembler facile à régler sur une planète "bleue" à 71%. Mais en réalité, la pénurie de cette ressource vitale est très compliquée à appréhender et à régler. Europe 1 décrypte quatre idées-reçues qu'il est habituel de mettre en avant quand on aborde la question de l'eau.

"Il suffit de désaliniser l'eau de mer qui, elle, est abondante"

La planète Terre contient 1,386 milliard de km3 d'eau. Un volume énorme… mais très inégalement réparti. Son écrasante majorité est en effet comprise dans les océans et les mers : 1,338 milliard de km3, soit 97%. Il apparaîtrait logique de pomper massivement dans ce réservoir pour répondre aux besoins de l'humanité. 18.000 usines utilisent déjà cette technique dans le monde, principalement dans la péninsule arabique et aux Etats-Unis. Oui mais voilà, la désalinisation de l'eau peut se révéler un remède pire que le mal. Ce processus est en effet extrêmement polluant : l'osmose inversée qu'il utilise nécessite de maintenir l'eau salée sous très forte pression 24h sur 24 afin d'en séparer les sels minéraux. Ces usines sont donc très gourmandes en électricité.

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Par conséquent, chaque année, la désalinisation produit 21 milliards de m3 d'eau potable… mais aussi des rejets chimiques et 80 millions de tonnes de CO2, une émission qui augmente de 10% chaque année. Tant que la désalinisation n'utilisera pas automatiquement les énergies renouvelables comme le solaire et l'éolien, elle ne sera pas la solution miracle à la pénurie d'eau dans le monde.

"En France, on n'est pas concerné parce que c'est un pays riche"

Répartie entre les calottes glaciaires, la croûte, l'atmosphère et la surface de la planète (fleuves, marais, lacs), l'eau douce ne pèse pas lourd à côté de l'immense réservoir d'eau salée. Pis, elle n'est pas également répartie. Mais ici, rien à voir avec le PIB de chaque pays. C'est plutôt le climat qui explique pourquoi certaines régions abondent en eau alors que d'autres souffrent de sa rareté. Ainsi, les régions les plus arides sont situées près des Tropiques, le Moyen-Orient par exemple mais aussi l'Australie. A l'opposé, plus d'un quart des ressources d'eau renouvelables se trouvent en Amérique latine et neuf pays concentrent 60% de l'eau potable dans le monde : le Brésil, la Colombie, la Russie, l'Inde, le Canada, les Etat-Unis, l'Indonésie, le Congo et la Chine.

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De récents épisodes de sécheresse permettent aussi de constater que des régions riches ne sont pas épargnées, comme par exemple la Californie aux Etats-Unis où en 2014, les autorités en sont venues à la mesure extrême de ne plus fournir les agriculteurs en eau d'irrigation. En outre, à l'avenir, la pénurie d'eau pourrait continuer à frapper riches comme pauvres. Des experts s'inquiètent ainsi d'une possible disparition des réserves aquifères dans une partie du bassin du Gange en Inde mais aussi dans le sud de l'Espagne et de l'Italie.

"Tant qu'il pleut, on ne risque pas de manquer d'eau"

Dans le monde, un tiers de la population ne dispose pas d'eau potable. Et au Cambodge, au Tchad, en Ethiopie, en Mauritanie, en l’Afghanistan et à Oman, moins de 40 % de la population a accès à de l’eau salubre. Il ne suffit pas malheureusement que l'eau tombe du ciel pour régler ce problème. La majorité de cette pluie n'est en effet pas récupérable : elle s'évapore à 61%. Le restant se partage entre infiltration pour rejoindre les nappes phréatiques (23%) et ruissellement pour prendre la direction des cours d'eau (16%). Or, cette eau qui subsiste à la surface de la Terre n'est pas potable car elle s'y charge de résidus et de polluants. Une fois dans les fleuves, elle se mélange à une eau là aussi non potable puisque deux millions de tonnes d'eaux usées sont déversées chaque année dans les cours d'eau.

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Même directement récupérée, la composition de l'eau de pluie n'est pas satisfaisante car elle est polluée par les gaz de l'atmosphère. Autrement dit, si elle est utilisable pour des usages agricole ou industriel, elle ne peut être utilisée comme ressource vitale. En outre, l'eau de pluie ne peut résoudre une sécheresse que s'il existe un réseau de distribution et d'assainissement efficaces, infrastructures dont nombre de pays sont dépourvus.

"Il suffit de moins consommer d'eau au quotidien"

Éteindre l'eau pendant qu'on se lave les dents ou encore fermer le robinet le temps de faire sa vaisselle ? Ces petits gestes du quotidien sont importants…mais ils jouent à la marge de la gestion mondiale de l'eau. Les chiffres parlent d'eux-même :  par an, environ 3.800 km3 d'eau douce sont consommés dans le monde dont 70% rien que par l'agriculture et l'élevage et 22% par l'industrie. Reste donc 8% seulement destinés à l'utilisation domestique.

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Au 8ème forum mondial de l'eau, les experts et politiques l'ont bien compris : pour éviter une aggravation de la situation, il faut rationaliser la production des aliments. Le Brésil par exemple, un des premiers producteurs agricoles au monde, consacre aujourd'hui plus de 50% de l'eau de ses fleuves et lacs au secteur agricole. Alors que la plus longue sécheresse de son histoire frappe depuis 2012 le nord-est du pays, Brasilia veut réduire cette part en développant la culture de plantes moins voraces en eau et des techniques d'irrigation plus efficaces. Pour un hectare de maïs, la céréale la plus cultivée au monde, il faut 575 m3 d'eau. Pour faire pousser un hectare de sorgho, une céréale très proche, il en faut 30% moins. Le blé et le soja aussi sont des céréales gourmandes en eau. Donc, s'il faut continuer à faire attention à sa consommation quotidienne, il est aussi efficace de faire attention à ce qu'on met dans son chariot de courses.