Un "faux Le Drian" arnaque des patrons étrangers

Une plainte a été déposée dès juillet 2015 par le ministre, après les premiers signalements.
Une plainte a été déposée dès juillet 2015 par le ministre, après les premiers signalements. © KENZO TRIBOUILLARD / AFP
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I.E.
La supercherie, qui dure depuis au moins deux ans, a poussé le ministre de la Défense à porter plainte.

Après l'arnaque "au président", l'arnaque au "Le Drian". Comme le révèle le journal israélien Yedioth Ahronoth, une information repérée et confirmée par L'Obs, des spécialistes des arnaques aux faux ordres de virement s'en prennent à l'identité du ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian. 

Rançons d'otages et lutte contre Daech. Un "faux Jean-Yves Le Drian", ressemblant physiquement au ministre, a ainsi contacté à plusieurs reprises des chefs d'entreprise étrangers afin de les convaincre de verser, sur des comptes offshores, d'importantes sommes d'argent soi-disant destinées à payer des opérations clandestines des services secrets contre le groupe Etat islamique, ou encore pour régler des rançons pour des otages français au Sahel, détaille L'Obs. En décembre 2016, un riche chef d’entreprise turque aurait ainsi versé plusieurs dizaines de millions d’euros sur un compte situé dans un paradis fiscal avant de se rendre compte de la supercherie. Mais trop tard, l'argent avait déjà disparu. 

Bureau ancien et portrait de Hollande. A chaque fois, le scénario est le même. Les escrocs exigent de leurs victimes la confidentialité la plus stricte sur le contenu de leurs échanges, puis le sosie du ministre entre en action. Lors de visioconférences avec leurs cibles, pour prouver leur identité, tout est mis en scène. Le "faux Le Drian" s'installe alors dans un grand bureau : téléphone fixe posé en évidence, meubles anciens, portrait de François Hollande accroché au mur et drapeau tricolore.  

Une information judiciaire ouverte. "Généralement, ils prétextaient une mauvaise connexion pour couper l’image au bout de quelques minutes et passer en communication par téléphone", explique le parquet au magazine d'actualité, qui précise que l'escroquerie usurpant l'identité de Jean-Yves Le Drian n'est pas nouvelle. En effet, une plainte a été déposée dès juillet 2015 par le ministre, après les premiers signalements. Des ambassades, ONG ou encore associations d'entreprises auraient également été contactées. Ouverte depuis avril 2016, une information judiciaire a été confiée à l'Office central de répression de la grande délinquance financière (OCRGDF), détaille L'Obs.

"Vive la République, vive la France". Parmi les victimes, approchées via leurs collaborateurs proches ou directement par téléphone, des chefs d'Etats africains ont fini par se rendre compte de la supercherie en rappelant le ministre sur son numéro de portable. Selon eux, aucun n'est tombé dans le panneau mais plusieurs ont été troublés par la ressemblance entre les voix du faux et du vrai Le Drian. Une cible aurait eu des doutes après que le faux ministre a ponctué leur conversation téléphonique par un étonnant : "Vive la République, vive la France", relate le magazine. 

Des escrocs israéliens ? Pour le moment, l’enquête s’orienterait vers Israël où, selon le quotidien Yedioth Ahronoth, la police locale et une unité spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée auraient entrepris des investigations d’ampleur sur cette affaire. Ces dernières années, plusieurs équipes d’escrocs aux faux ordres de virement, notamment franco-israéliennes, opèrent depuis le pays. Une arnaque qui rappelle l'affaire de Gilbert Chikli dans les années 2000. 

L'arnaque "au président". Présenté comme le pionnier de l'arnaque au "faux président", Gilbert Chikli, en fuite en Israël depuis 2009, a été condamné en 2015 à Paris à sept ans de prison et un million d'euros d'amende pour des escroqueries au préjudice de banques et entreprises. Il contactait de grosses sociétés en se faisant passer pour le président de celle-ci. Puis, dans un second temps, pour un agent des services secrets. Il arrivait ainsi à se faire remettre d'importants virements ou espèces de responsables d'agence ou de comptables, en invoquant notamment la lutte contre le blanchiment ou le terrorisme.