Nicolas Sarkozy, ses chères conférences internationales

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Louis Hausalter , modifié à
DOUBLE VIE - L'ancien président souhaiterait poursuivre ses conférences à l'étranger, parallèlement à son retour dans la vie politique. Compatible ou pas ?

Sauf surprise, Nicolas Sarkozy annoncera d'ici à la fin de la semaine sa candidature à la présidence de l'UMP. Mais selon plusieurs titres de presse - Le Figaro, Le Parisien ou encore Le Monde -, il ne compte pas pour autant mettre un terme à son activité de conférencier international, entamée peu après sa défaite en 2012. Même s'il devient président de l'UMP, Nicolas Sarkozy souhaite continuer à parcourir le monde en tant que "speaker" de luxe. Des déplacements en Asie et en Amérique latine seraient d'ores et déjà prévus cet automne.

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L'avantage pour lui serait de garder de la hauteur, au-delà du débat franco-français. "Il sait que ça va faire polémique, mais c'est sa façon de dire 'n’oubliez pas ma stature internationale'. Il parle avec Hervé Mariton pour la présidence de l’UMP, mais il parle aussi à Obama !" confie à Europe1.fr un fidèle, pour qui "sa stature est au-dessus de celle de François Hollande". Nous y sommes : poursuivre ses déplacements à l'étranger serait une manière de faire de l'ombre à son successeur. L'objectif est d'"apparaître en président bis", résume Le Monde.

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Selon La Provence, Nicolas Sarkozy a aussi l'intention d'emmener à cette occasion les jeunes qu'il bichonne en vue de son retour. "Il nous dit que nous devons connaître le monde, l'Asie, l'Amérique Latine, que c'est indispensable pour concevoir l'avenir de la France", a expliqué l'un d'entre eux au journal.

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Des conférences grassement rémunérées

Sarkozy Tripoli Libye avion mars 2013 Reuters

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Sollicité, l'entourage de Nicolas Sarkozy n'a pas répondu à nos demandes. Il reste que si l'ancien président venait à poursuivre ses conférences, parallèlement à son retour dans la vie publique, il prendrait le risque d'ouvrir une polémique. Notamment en raison des confortables chèques qu'il touche pour ce type de prestation. Les tarifs exacts sont confidentiels, mais ils se chiffrent en dizaines de milliers d'euros. Sa dernière conférence en date remonte à juillet : Nicolas Sarkozy a participé à un forum économique au Congo-Brazzaville. Il aurait touché 100.000 euros, selon L'Express. En novembre 2013, le Nouvel Observateur affirmait que Nicolas Sarkozy avait amassé plus d'un million d'euros en un an de conférences.

Vis-à-vis de l'opinion publique, le risque est donc réel. "Dans le contexte actuel, où la crise de défiance n'a jamais été aussi forte, tout ce qui tend à conforter le sentiment que l'on utilise des fonctions publiques, actuelles ou anciennes, pour gagner de l'argent, est très dangereux", analyse Pascal Perrineau, professeur de sciences politiques, interrogé par Europe1.fr.

"Ce serait une très mauvaise idée", abonde le politologue Thomas Guénolé. "Nicolas Sarkozy doit faire très attention sur son rapport à l'argent car ce sujet est extrêmement sensible, y compris au sein de son propre socle électoral", prévient-il. "En revanche, s'il le fait gratuitement ou s'il reverse ses revenus à de bonnes oeuvres, ça ne poserait aucun problème. Et cela lui permettrait effectivement de conforter son statut d'ancien président".

"Pour une fois qu'on a un Français demandé à l'étranger..."

Mais dans le camp Sarkozy, on ne voit pas tellement le problème. "Je ne sais pas quelle sera sa décision sur ce sujet, mais je suis à 100% pour", affirme son ami Brice Hortefeux (photo), joint par Europe1.fr. Pour l'eurodéputé, "on devrait se réjouir et être fiers d'avoir enfin un Français autant demandé dans le monde". Même à 100.000 euros la conférence ? "C'est la loi de l'offre et de la demande. Tout travail mérite salaire. Vous, par exemple, vous êtes payé pour m'appeler !", rétorque-t-il.

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Et Brice Hortefeux de rappeler que l'ancien président américain Bill Clinton ou l'ancien Premier ministre britannique Tony Blair sont eux aussi devenus des conférenciers très bien rémunérés. "Ça ne choque pas dans leurs pays", insiste-t-il. A une différence près : Clinton et Blair ne sont plus des leaders politiques nationaux.

Un "mélange des genres" ?

Certes, rien dans les statuts de l'UMP n'interdit au président de l'UMP d'avoir ce type d'activité. Cela s'est d'ailleurs déjà vu. En juillet 2013, Jean-François Copé avait participé au forum Forbes au Congo-Brazzaville. Le montant de 30.000 euros avait alors circulé. Et la polémique avait enflé, la gauche dénonçant aussitôt un "mélange des genres". "Il est contraire à l'éthique de monnayer son image, et peut-être son influence, de dirigeant politique français, en échange de sommes d'argent sur lesquelles n'existe aucune forme de transparence", s'était insurgé Harlem Désir, alors premier secrétaire du PS.

Bruno Le Maire

Mais dans le contexte de la campagne pour la présidence de l'UMP, puis les primaires, l'argument pourrait aussi être utilisé à droite, par des rivaux de Nicolas Sarkozy. C'est même déjà le cas. "Je refuse d'être avocat à cause des possibles conflits d'intérêts, de la même manière que je refuse les conférences rémunérées", affirmait ainsi récemment dans L'Express Bruno Le Maire (photo), qui brigue la tête du parti. Une manière de se poser en candidat de la vertu face à un Sarkozy maintes fois critiqué sur son rapport à l'argent.

"Ce n'est pas l'UMP qui va le payer !"

Le député de Paris Bernard Debré, pourtant très critique à l'égard de Nicolas Sarkozy ces derniers temps, ne serait, lui, pas choqué que l'ancien président poursuive ses conférences. "Ce n’est pas étonnant. Cela fait partie du personnage, qui a toujours un peu mélangé argent, politique, peopolisation. Et puis ce n’est pas l’UMP qui va le payer, on n’a plus un rond !" ironise-t-il.

Pour l'élu parisien, "ce qui est plus étonnant, c’est qu’il reprenne l’UMP. Il va être au centre de toutes les polémiques, devoir répondre à des convocations judiciaires. Et, surtout, il va devoir trouver de l’argent !" Et il n'est évidemment pas question pour Nicolas Sarkozy de renflouer l'UMP grâce aux chèques encaissés pour ses prestations : les dons que peut verser un particulier à un parti politique sont plafonnés à 7.500 euros par an. Bien moins que le tarif d'une conférence de prestige.