Où en est la réforme territoriale ?

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Louis Hausalter , modifié à
DANS LE FLOU - Des inconnues persistent sur la nouvelle carte des régions, qui revient bientôt devant le Parlement. Quant au sort des départements, il est loin d'être acté.

"Flottement", "négociations entre barons"... L'entourage d'André Vallini, le secrétaire d'Etat à la Réforme territoriale, donne le ton. "Tout ça est laborieux", souffle même l'un de ses proches. La réforme territoriale est décidément un long tunnel dont le gouvernement ne voit pas la fin. Le projet de loi redessinant la carte des régions doit être examiné en deuxième lecture par le Parlement cet automne. Sauf que ce nouveau découpage régional, cible de nombreuses contestations, est loin de faire consensus. Et dans le même temps, les élus locaux s'inquiètent pour l'avenir des conseils généraux, menacés de disparition à l'horizon 2020.

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Samedi, une manifestation est prévue à Strasbourg pour protester contre la fusion de l'Alsace avec les régions Lorraine et Champagne-Ardenne. Le conseil régional d'Alsace encourage même l'évènement en proposant des billets de TER à prix réduit pour s'y rendre ! Une contestation qui fait écho à plusieurs manifestations qui ont agité Nantes ces derniers mois, rassemblant des dizaines de milliers de personnes favorables à une "réunification" de la Bretagne - autrement dit, au rattachement de la Loire-Atlantique à la région.

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Sans parler du Nord-Pas-de-Calais, dont la fusion prévue avec la Picardie fait bondir nombre d'élus nordistes, parmi lesquels Martine Aubry (photo). Ou encore de cette fronde d'élus aquitains qui préféreraient le rattachement de leur région aux Midi-Pyrénées plutôt qu'au Limousin.

ULTIMES TRACTATIONS SUR LES RÉGIONS

Manuel Valls a donc dû faire preuve de diplomatie lors de son intervention devant le congrès de l'Association des régions de France (ARF), vendredi à Toulouse. Le Premier ministre s'est dit déterminé à "maintenir le rythme des réformes", mais "en écoutant les élus", a-t-il assuré, tout en promettant davantage de ressources aux régions. En première ligne sur le sujet, Manuel Valls doit composer avec le mécontentement des barons locaux. Lundi, il a rencontré le président UMP de la région Alsace, Philippe Richert, qui a ensuite affirmé que le locataire de Matignon était disposé à "bouger, notamment sur l'Alsace".

Sur le dossier breton aussi, le gouvernement n'est pas à l'abri d'un coup de théâtre lors de la discussion parlementaire. Même si le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, farouche opposant à la fusion de la Bretagne avec les Pays de la Loire, semble pour l'instant avoir obtenu gain de cause.

"Tout cela se règle entre Hollande et Valls, qui négocient avec les barons", glisse ce même proche d'André Vallini. Quant à ce dernier, il tente de garder une main sur le sujet. "Heureusement, il est proche de Hollande, donc ils échangent des textos".

Pour ne rien arranger, le Sénat, qui avait rejeté la nouvelle carte des régions en juillet, a basculé à droite fin septembre. Et son nouveau président, l'UMP Gérard Larcher, a prévenu que la haute chambre n'hésiterait pas à "résister si on ne l'écoute pas". Autant dire que la discussion d'octobre s'annonce tendue.

LES DÉPARTEMENTS DANS L'INCONNU

Mais ce serait trop simple si seules les régions posaient problème. Dans le déroulement de la réforme, les départements constituent le deuxième étage de la fusée, même si l'horizon est beaucoup plus lointain. Alors que les nouvelles régions devraient être en place dès décembre 2015, date des prochaines élections régionales, François Hollande prévoyait dans son projet initial de supprimer les conseils départementaux à l'horizon 2021.

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Sauf que, là encore, le projet s'est heurté au mur dressé par les élus locaux. L'exécutif a donc dû mettre de l'eau dans son vin cet été. Dans son discours de politique générale, le 16 septembre, Manuel Valls a indiqué que trois solutions étaient envisagées pour les départements, selon les cas. Dans ceux qui sont dotés d'une métropole, la fusion avec une intercommunalité "pourrait être retenue". Dans d'autres départements, "les compétences départementales pourront être assumées par une fédération d'intercommunalités". Enfin, dans les départements "notamment ruraux", "le conseil départemental sera maintenu, avec des compétences clarifiées". De quoi compliquer sérieusement une réforme qui, jusqu'ici, avait le mérite d'être assez claire : la suppression pure est simple d'un échelon dans le mille-feuille administratif.

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Cela n'a par ailleurs pas fait retomber la pression. Notamment chez les radicaux de gauche, derniers alliés du gouvernement après la rupture avec les écologistes. Interrogé cette semaine par Europe1.fr, leur patron Jean-Michel Baylet (photo), le patron du Parti radical de gauche (PRG), en a fait un casus belli avec l'exécutif. "Le Premier ministre m'avait garanti de conserver les conseils généraux. Or il n'en restera qu'une quinzaine, donc on ne peut pas vraiment dire qu'il ait respecté ses engagements", a-t-il taclé, menaçant Manuel Valls de faire sortir du gouvernement les trois ministres de son parti.

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L’EXÉCUTIF TEMPORISE

Un "groupe de travail sur le maintien des conseils généraux", composé d'une centaine de parlementaires, a été créé en juillet. Son initiateur, le député socialiste de Dordogne Germinal Peiro, n'a toutefois pas répondu à nos sollicitations. Reste qu'il s'agit d'un signe de plus que, sur ce sujet brûlant, l'exécutif a choisi de temporiser.

Certains comptent d'ailleurs sur le temps pour faire passer cette réforme aux oubliettes. "D'ici 2020, on a l'assurance que les conseils généraux ne seront pas supprimés", a souligné Claudy Lebreton, le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), mardi lors d'une conférence de presse. Or, "qui sera président en 2017, qui sera Premier ministre en 2018-2019 ?", a-t-il lancé. Manière de dire que, malgré le plan de route de l'exécutif, les conseils généraux sont encore loin du bûcher.