Biodiversité : que pourrait changer la loi ?

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Le texte prévoit notamment la création d'une Agence dédiée à la biodiversité. Insuffisants, selon les écologistes, qui veulent le renforcer.

L'heure est à la "modernisation". Modernisation de l'économie, du dialogue social… Et désormais de la biodiversité. L'examen du projet de loi sur la biodiversité, qui doit donc "moderniser" la protection des espaces naturels, va démarrer lundi à l'Assemblée.

Initialement prévu pour l'automne 2013, le projet de loi, très attendu par les ONG environnementales, avait été présenté au printemps 2014 par le ministre de l'Ecologie d'alors Philippe Martin, repris ensuite par Ségolène Royal. Examiné en commission en juin dernier, ce texte de 73 articles soutenu par toute la gauche est débattu dans l'hémicycle de lundi à jeudi en première lecture. Quelque 1.400 amendements ont été déposés. Mais va-t-elle vraiment changer quelque chose ?

La mesure phare : la création d'une Agence dédiée. Près de quarante ans après la loi de protection de la nature de 1976, ce projet de loi doit notamment permettre la création d'ici la fin de l'année d'une Agence nationale de la biodiversité, promise par François Hollande lors de la première conférence environnementale en 2012. Cette Agence disposera d'une enveloppe de 60 millions d'euros, tirés des investissements d'avenir, "pour des projets centrés autour de l'eau et de la biodiversité", a annoncé jeudi la ministre. Cela s'ajoutera aux 225 millions de crédits de fonctionnement.

Le scientifique Hubert Reeves, qui parrainera l'agence, a souligné jeudi au côté de Ségolène Royal la nécessité d'une nouvelle approche pour arrêter l'érosion en cours de la biodiversité. Sur le modèle de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) dans les secteurs de l'énergie et les déchets, l'Agence de la biodiversité devra œuvrer pour une meilleure préservation des espaces naturels, de leur faune et de leur flore, et d'une action plus concertée des services de l’État.

La structure, qui comptera 1.200 agents, réunira l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), les parcs nationaux ou encore l’agence des aires marines protégées. L'Office national de la chasse et de la faune sauvage n'entrera, en revanche, pas dans la fusion, au grand dam des associations environnementales, qui voudraient inclure la chasse dans la gestion de la biodiversité.

Segolène Royal biodiversité

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Des compensations et des sanctions. Des amendements gouvernementaux viseront également à impliquer davantage les six agences de l'eau. Un plan national d'action en faveur des insectes pollinisateurs est également au programme. Outre la création de l'Agence, le projet de loi doit renforcer les sanctions pour le commerce illicite d'espèces protégées. Il prévoit aussi de donner un cadre plus clair au principe de compensation pour les dégâts causés à la biodiversité lors de projets d'aménagement, comme la construction d'une route, d'une ligne de chemin de fer ou d'un projet immobilier. Des systèmes de compensation existent déjà, mais ils nécessitent des démarches lourdes et complexes.

Le texte propose également de créer des "zones soumises à contrainte environnementale", auxquelles il faudra faire particulièrement attention avant de lancer des chantiers. Et il tend à inscrire dans la loi le concept de "solidarité écologique entre territoires" : l'écosystème est à traiter comme un tout, et non comme un ensemble de particularités régionales.

Marcassins, sangliers

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Les écologistes veulent la renforcer. S'ils apprécient un texte allant "dans le bon sens", les écologistes comptent défendre nombre d'amendements pour combler "des manques importants". "L'Agence pour la biodiversité, pour l'instant, n'est qu'une agence 'technique' centrée sur l'eau et manque de souffle politique", regrette ainsi la députée écologiste Laurence Abeille, qui souligne également "l'absence de dispositions fortes sur la biodiversité terrestre, sur la faune sauvage, sur le statut juridique de l'animal", ou sur la biodiversité en milieu urbain.

A droite, l'UMP Martial Saddier a exprimé de "grandes inquiétudes" liées à la nouvelle Agence de la biodiversité, "alors qu'il existe déjà les Agences de l'eau et les Ademe", notamment sur "une recentralisation potentielle", "une sous-représentation des collectivités territoriales" ou encore sur son financement.

Si l'UDI a jugé ce texte "nécessaire", Bertrand Pancher a épinglé en commission une agence "Canada Dry" et considéré que le projet de loi "ne bouleverse rien d'essentiel" malgré "des aspects intéressant". Le communiste Patrice Carvalho s'est également demandé en commission si l'agence sera "plus efficace que les structures actuelles".

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