Présidentielle : peut-on faire confiance aux sondages ?

Un sondage n'est pas une prédiction, c'est une "tendance", rappellent les sondeurs.
Un sondage n'est pas une prédiction, c'est une "tendance", rappellent les sondeurs. © AFP
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Sébastien Krebs, édité par L.F.R
Enquête dans la cuisine des instituts de sondages, à quelques jours du premier tour de la présidentielle. 
L'ENQUÊTE DU 8H

Brexit, élection de Trump, primaires à droite comme à gauche : les sondages n'avaient rien vu venir. Les voilà également au coeur de cette fin de campagne présidentielle. Comment sont-ils construits ? Peut-on y croire ? Europe 1 s'est invité dans les coulisses des instituts de sondage.

Internet, au moins deux fois moins cher que les sondages par téléphone. Il y a quelques années, on appelait des Français au hasard. Mais cette méthode est devenue trop coûteuse, trop fastidieuse. Et trop de Français refusent de répondre : il faut passer jusqu'à 10.000 coups de fil pour avoir 1.000 répondants. Les instituts utilisent donc désormais internet, pour la quasi totalité des sondages d'intentions de vote d'aujourd'hui. Cela leur revient deux à trois fois moins cher. 

Des "volontaires" qui ont accepté de s'inscrire. Les instituts assurent que la méthode est tout aussi fiable. Certains experts affirment eux qu'il y a des biais : on ne contacte plus au hasard mais on pioche dans un carnet d'adresses, un ficher qui contient des milliers d'adresses email - chaque institut a le sien. La différence, c'est que ce n'est plus aléatoire. Les répondants sont des volontaires, qui à un moment, ont accepté de s'inscrire. Et qui sont souvent fidélisés, ils gagnent des points, des bons d'achat, parfois des cadeaux, s'ils répondent aux enquêtes, politiques ou marketing. Ce qui peut poser problème.

L'effet de "panel". "C'est ce que l'on appelle l'effet de panel. C'est-à-dire des sondés qui, habitués à l'être, ne réagissent plus comme ils le feraient si c'était la première fois. Et la deuxième raison c'est qu'un certain nombre de sondés sont insincères et visent la rémunération. On ne fait pas d'enquête scientifique par Internet", estime le politologue Alain Garrigou, qui dirige l'Observatoire des sondages, contacté par Europe 1.

Un phénomène "ultra marginal". Le risque c'est de se retrouver avec des répondants plus motivés, politisés, ou même des sondés presque "professionnels", qui répondent à la chaîne sans forcément dire la vérité. Les sondeurs répondent qu'ils ont prévu des garde-fous. A l'IFOP, par exemple, les membres du panel ne peuvent pas répondre à plus de trois ou quatre enquêtes dans l'année. Les résultats ne peuvent donc être biaisés, selon l'institut, qui affirme également avoir mis en place des outils pour détecter ceux qui répondraient trop vite sans réfléchir. "Ça va se voir parce que c'est décelé informatiquement, nous avons des logiciels pour déceler les réponses automatiques, trop homogènes, pour déceler le temps passé, le fait qu'il y ait des professionnels ça reste ultra marginal et ne suffit pas pour jeter un doute", estime ainsi Frédéric Dabi, le directeur général adjoint.

Echantillon représentatif. Ce qui compte, répètent les sondeurs, c'est que l'échantillon soit représentatif : âge, profession, domicile, les instituts se basent sur les chiffres de l'Insee pour reconstituer une France en miniature. D'ailleurs, depuis que les Américains n'ont pas vu l'élection de Trump, l'Ifop a rajouté un critère : le niveau de diplôme, pour éviter que les moins diplômés ne passent sous les radars. 

Malgré cette méthode, les instituts de sondage sont obligés de "corriger" les chiffres obtenus avant de les publier. Mais beaucoup moins qu'avant, ont assuré tous les sondeurs à Europe 1. Selon eux, les corrections ne se joue plus qu'à un ou deux points. La raison est simple : les Français aujourd'hui sont plus "sincères" sur leur vote. Ainsi ils ne cachent plus, par exemple, qu'ils votent Front National

Toujours une marge d'erreur. Les sondeurs doivent rendre des comptes devant la Commission des sondages qui contrôle ces "redressements". Mais il existe toujours une marge d'erreur, et pour un sondage basé sur 1.000 personnes (le plus fréquent), elle se situe entre 2 et 3 points. Par exemple, le dernier sondage Harris Interactive publié jeudi soir donne Macron à 24% : en fait il est entre 21,5 et 26,5%. Et Marine Le Pen donnée à 22, oscille entre 19,5% et 24,5%. Ces marges d'erreur donnent des fourchettes de cinq points, qui se chevauchent aujourd'hui pour les quatre candidats de tête. 

Regarder les courbes. Autre exemple, si deux candidats sont donnés avec un seul point d’écart, en comptant les marges d’erreur, ils peuvent avoir jusqu’à six points d’écart. Ce qui importe, au final, c'est toujours la lecture que l'on fait des sondages. Et là, experts et sondeurs disent la même chose : ne regardez pas la photo, ni même le chiffre. Ce n'est pas une prédiction, c'est une tendance, c'est l'évolution qui a du sens. Il faut ainsi regarder les courbes, sur plusieurs jours ou plusieurs semaines.