La ministre Marlène Schiappa enchaîne les polémiques

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Marlène Schiappa pourrait donner prochainement une conférence de presse pour détailler les sujets qu'elle a évoqués ces derniers jours. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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Romain David , modifié à
Plusieurs maladresses de la secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes lui ont attiré ces derniers jours les critiques d'une partie des milieux professionnels et associatifs.

La secrétaire d’Etat en charge de l’Egalité entre les femmes et les hommes a passé une semaine chargée, principalement occupée à désamorcer les polémiques autour de son action, et à devoir repréciser plusieurs mesures annoncées ces derniers jours. Après avoir fait face aux inquiétudes des associations féministes, quant à une éventuelle baisse de leurs subventions, puis essuyer la colère des professionnels de la petite enfance pour avoir évoqué la mise en place d'une certification pour les mères non diplômées, Marlène Schiappa a subi la grogne des obstétriciens suite à sa dénonciation des violences faites aux femmes dans le cadre médical.

Guerre des chiffres. La scène remonte au 20 juillet. Pendant l’audition au Sénat de la délégation au droit des femmes, Marlène Schiappa pointe le nombre alarmant d’épisiotomies réalisées pendant les accouchements. "En France, on a un taux d'épisiotomies à 75 %, alors que l'Organisation mondiale de la santé préconise, je crois normalement, d'être autour de 20%-25 %", déclare-t-elle, dénonçant des "pratiques obstétricales non consenties avec notamment des violences obstétricales, semble-t-il, particulièrement sur les femmes étrangères, les femmes très jeunes et les femmes handicapées".

Mais lundi, le professeur Israël Nisand, président du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens français (CNGOF), s’est fendu d’une lettre ouverte sur le site du CNGOF pour contester la véracité du chiffre cité par Marlène Schiappa. "Il n’y a pas 75% d’épisiotomies en France puisque la dernière évaluation officielle et publique réalisée en 2010 en rapportait 27% avec une réduction de moitié depuis le décompte précédent qui était de 55% en 1998", écrit-il. Et d’ajouter : "Non Madame la Secrétaire d’Etat, les obstétriciens ne maltraitent pas leurs patientes et entendent à leur tour ne pas l’être par une secrétaire d’Etat mal informée". L’intéressée a répondu par communiqué s'être appuyée sur une étude réalisée en 2013 par son association, Maman Travaille, ayant interrogé 983 mères, dont "75% d'entre elles disaient avoir subi une épisiotomie". Interrogé par Europe 1.fr, un membre du cabinet ministériel veut voir le côté positif de l'affaire : "Au-delà de la polémique, il y a un véritable sujet sur les violences médicales qui est en train de devenir politique, qui est désormais sur la table du débat public".

Micmac autour du budget. Ironie du sort, la responsable gouvernementale voit se retourner contre elle un argument qu’elle avait brandi une semaine plus tôt pour éteindre une autre polémique, autour d’une baisse du budget alloué à son secrétariat. "Fake news", avait-elle répondu, depuis son compte Twitter, aux organismes féministes s’alarmant sur les réseaux sociaux et dans les colonnes du Journal du Dimanche d’une baisse de 20 à 25% des subventions accordées pour gérer la prise en charge des victimes d’agression et de harcèlement. La cause de leur émoi : un décret sur des annulations de crédits publié au Journal officiel et qui indique pour le "programme 137", relatif à l’"Egalité entre les femmes et les hommes", une coupe de 7,5 millions par rapport au budget 2016. Contacté par le Lab d’Europe 1, le cabinet de la secrétaire d’Etat affirme pourtant que "les associations luttant contre les violences sexistes et sexuelles ne verront pas de baisse de leur subvention". "Soit elle ment, soit elle n'est au courant de rien. Dans les deux cas, c'est un gros problème pour les droits des femmes", s’est agacée la militante féministe Caroline de Haas, citée par Le JDD.

Lundi et mardi, Marlène Schiappa a enchaîné les matinales pour tenter de clarifier la situation, d’abord sur Europe 1 puis sur RFI. "Sur le budget je dois faire plus de pédagogie, je pars du principe que quand quelque chose est mal compris, c’est que cette chose est mal expliquée", a-t-elle concédé sur notre antenne. "Je construis ce budget en faisant en sorte que ces associations ne voient pas un euro de diminution de leurs subventions", a-t-elle martelé, assurant que certains dispositifs seraient désormais pris en charge par d’autres administrations. "Il y a des sous ailleurs, il y a des sous partout en réalité pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Par exemple : le téléphone d’alerte ‘grave danger’ [distribué aux femmes menacées par des violences conjugales, ndlr], qui jusqu’à présent était payé sur ce fameux programme 137, sera pris en charge par le ministère de la Justice. Nous avons un certain nombre de mesures comme celle-là prises en charge par d’autres ministères", a-t-elle détaillé.

La colère des professionnels de la petite enfance. Marlène Schiappa s’est également employée au micro d'Europe 1 à éteindre un autre brasier, allumé avec une nouvelle proposition contestée : accorder un diplôme aux mères sorties du parcours scolaire, éventuellement sous la forme d’un "brevet d’Etat d’éducateur de jeunes enfants". Une idée qui n’a pas manqué de faire bondir les professionnels du secteur qui craignent une dévalorisation de leur formation. "Je déplore que l'on transforme une mesure qui n'est pas aboutie, qui est assez complexe, en un sujet-verbe-complément de 140 signes pour qu'il rentre dans un tweet", s'est défendue la secrétaire d'Etat. "Ce qui est remis en cause par les professionnels de la petite enfance c'est : 'on va brader nos diplômes et on va les distribuer'. Je les comprends […] Ça n'est pas le cas. Il ne s'agit pas de distribution, il ne s'agit pas uniquement de femmes, il s'agit d'intégrer dans des parcours diplômants, dans des VAE [Validation des acquis de l’expérience, ndlr] avec des formations, des examens, des dossiers très solides, et des jury de professionnels".

Une com’ hasardeuse. Alors même qu’Emmanuel Macron a annoncé vouloir faire de l’égalité femmes/hommes la grande cause nationale de son quinquennat, les polémiques s’accumulent donc autour de sa secrétaire d'Etat, dont les premières semaines au gouvernement ont été quelque peu entachées - au-delà de ses seules propositions -, par une série de couacs en matière de communication. Le JDD rappelle ainsi que la responsable avait indiqué début juin, dans l'émission Youtube La Maison des maternelles, que sa réforme du congé maternité serait instaurée "dés l'été". Une annonce finalement démentie pour des raisons de timing par son cabinet, qui indique auprès de l'hebdomadaire : "Ce qu'elle voulait dire, c'est que les travaux commenceront avant l'été". 

Autre maladresse : la publication le 12 juin, sur son compte Twitter, d'une série de clichés la mettant en scène déambulant de nuit, seule, dans les rues du quartier de La Chapelle-Pajol à Paris, dont une pétition de riveraines avait dénoncé les nombreux cas de harcèlement. "Les lois de la République protègent les femmes, elles s'appliquent à toute heure et en tout lieu", avait écrit Marlène Schiappa. Mais dans la foulée le post est supprimé, le ministère reconnaissant auprès du Lab d'Europe 1 "un bug communicationnel", ces photos devant initialement être publiées après une rencontre avec des associations concernées par le sujet. De son côté, Pierre Liscia, élu LR du 18e arrondissement, a dénoncé dans un communiqué une récupération politique "consternante de ridicule et méprisante pour les riverains".

Prendre ses marques. Dans l’entourage de la ministre, on reconnait à mi-mots que celle-ci a "peut-être" eu quelques difficultés à trouver ses marques en terme de communication depuis son entrée au gouvernement. "Elle tient à conserver sa capacité à aller sur le terrain avec un entourage réduit, mais on fera en sorte à l’avenir que le message soit bien compris", ajoute-t-on à propos de l'épisode de La Chapelle-Pujol.

"On l’accuse de papillonner mais ça n’est pas de cela dont il s’agit : elle est sur tous les fronts, son portefeuille dépasse le seul cadre du féminisme, il touche aussi à la maternité ou encore à l’insertion professionnelle", explique encore le ministère, qui envisage néanmoins une mise au point publique sur les thématiques évoquées ces dernières semaines. "Dès que nous aurons reçu nos lettres de mission [les feuilles de route soumise à la validation de Matignon, ndlr], nous ferons probablement une conférence de presse pour rebalayer tous les sujets, avec des questions-réponses pour répondre à des commentaires qui ont aussi été des attaques strictement politiques".