Oui, la France peut faire plus et mieux en matière d'immigration

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Paul Quinio , modifié à
Entre les promesses du candidat Macron sur l'immigration et la politique qu'il applique depuis son élection, le fossé se creuse.
EDITO

Le chef de l’Etat prononcera jeudi un discours "important" et "fondateur" de sa politique en matière d’immigration. En attendant, et alors qu’une dizaine de personnes, dont des femmes enceintes, sont mortes il y a deux jours au large de la Libye, rappelons à Emmanuel Macron quelques unes de ses promesses de campagne sur le sujet.

Des compliments à Merkel et puis… "L’immigration ne devrait pas inquiéter la population française (…) elle se révèle une chance d’un point de vue économique, culturel, social", avait affirmé le candidat En Marche!. La France doit "assumer sa juste part" dans l’accueil de réfugiés, avait-il déclaré, se gardant - il est vrai - de fixer des objectifs chiffrés. Rappelons aussi que le candidat Macron avait applaudi Angela Merkel lorsque celle-ci avait décidé d’ouvrir grand les portes de l’Allemagne aux réfugiés bloqués sur la route des Balkans. Une fois élu, le chef de l’Etat avait parlé lors d’un conseil européen en juin des "décisions courageuses" de la chancelière. "Nous devons accueillir des réfugiés car c'est notre tradition et notre honneur". Et Emmanuel Macron de conclure : "Nous devons faire preuve de solidarité quand un de nos voisins fait face à des arrivées massives de réfugiés ou de migrants".

Des conditions d'accueil désastreuses. Et c'est là que le bât commence à blesser. Car non, Monsieur Macron, la France n’est pas solidaire en ce moment de l’Italie où affluent des milliers de migrants. Non, Monsieur Macron, la France n’assume pas sa "juste part". Notre voisin italien, beaucoup plus généreux que nous, est à bout de souffle. Et nous, qu’entend-on sur ce sujet ? Un ministre de l’Intérieur parler de "kystes" à propos des ONG qui viennent en aide aux migrants à Calais. Qu’entend-on à Tarbes où un hôtel sert de centre d’accueil ? Que des habitants ont construit un mur devant sa porte, avant, dieu soit loué, de le détruire le lendemain. Que lit-on ? Un rapport d’une ONG internationale dénoncer "les violences policières" envers les réfugiés désireux, à Calais, de passer en Angleterre. Que lit-on encore ? Qu’un militant qui organise dans la vallée de la Roya un réseau de solidarité, pour pallier en quelque sorte le déficit de la générosité d’Etat, risque une nouvelle fois de passer devant les tribunaux.

Oui, la France peut faire plus. Bien sûr, le sujet est compliqué. Et la France, pour citer cette phrase célèbre de Michel Rocard, "ne peut pas accueillir toute la misère du monde". Mais oui, la France peut faire plus. Oui, la France doit accentuer la pression sur la Hongrie, l’Autriche ou la Pologne, qui mène en la matière des politiques indignes du rêve européen. Oui, de nombreuses initiatives locales démontrent que les Français savent être généreux, et que la frilosité, la peur, la xénophobie, encouragés parfois par certains élus, et pas seulement issus du Front national, peuvent être combattus avec succès. Ces initiatives doivent se multiplier. Elles doivent aussi être encouragées, certes par un discours "fondateur", mais par des actes et une politique plus volontariste, plus généreuse, au plus niveau de l’Etat.