Oui, il sera possible de destituer un président, mais…

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Le Parlement a adopté définitivement les modalités de destitution du chef de l'Etat. Une procédure complexe qui a peu de chances d'être utilisée.

L'INFO. François Hollande n'est plus juridiquement à l'abri. Le Parlement a en effet adopté définitivement, mardi soir, les modalités de destitution du chef de l'Etat par le Parlement, réuni en Haute Cour, qui découlent de la réforme constitutionnelle de 2007, mais n'avaient pas encore été mises en place.

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Le texte, contre lequel les 18 sénateurs communistes ont voté non doit à présent être soumis au conseil constitutionnel avant d'être promulgué. Il prévoit qu'une procédure de destitution peut être engagée à l'encontre du président de la République en cas de "manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l'exercice de son mandat". Toutefois, selon Philippe Blacher, professeur de droit constitutionnel à l'université Lyon III, contacté par Europe1.fr, "c'est de la science-fiction !"

"Un texte flou". Interrogé sur ces "manquements", Philippe Blacher dénonce "un texte flou. Cela remplace un autre mécanisme, 'la haute trahison'. On parlait là de trahison d'ordre militaire, comme la collaboration avec l'ennemi. Dans la loi votée hier, seuls deux cas de figure sont prévus concrètement. Tout d'abord si le chef de l'Etat refuse de promulguer les lois. Il peut le faire ponctuellement s'il estime que le texte est contraire à l'article 5 de la Constitution, mais si ça devient systématique, on peut assimiler cela à un veto. Deuxième hypothèse : s'il refuse de convoquer le conseil des ministres, car c'est à lui de veiller au fonctionnement régulier des services publics et il se mettrait alors en faute." Et pour le reste ? "Ce sera à la libre appréciation des parlementaires !"

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"Jamais les élus ne prendraient un tel risque". La procédure, en plus, est complexe. L'une des deux chambres, Assemblée nationale ou Sénat, doit adopter  une proposition de réunion de la Haute Cour, à la majorité des deux tiers. La proposition est ensuite transmise à l'autre chambre qui l'inscrit de droit à son ordre du jour. En cas d'adoption par les deux chambres, la Haute Cour, constituée des parlementaires des deux chambres et présidée par le président de l'Assemblée nationale, se réunit. Elle a un mois pour statuer, à bulletins secrets, et il faut une majorité des deux tiers pour que le président soit destitué.

Si le système est aussi compliqué, c'est pour éviter de voir un président destitué pour des raisons purement politiques. Si la Haute Cour vote la destitution, "alors une nouvelle élection est organisée. Et rien n'empêche alors l'ancien président de se représenter à nouveau. Il ferait alors arbitrer par le peuple son conflit avec le parlement. Jamais les élus ne prendraient un tel risque, d'autant qu'en cas de réélection, le chef de l'Etat pourrait dissoudre l'assemblée en représailles", décrypte Philippe Blacher.

Et si le chef de l'Etat devenait fou ? Notre constitutionnaliste trouve tout de même un intérêt à cette loi organique : "dans le cas d'un président atteint d'une maladie incurable, de folie, ou qui aurait commis un assassinat. La destitution permettrait de le juger sans attendre la fin de son mandat. C'est une soupape de sécurité." Et de conclure : "voilà pourquoi je parle de science-fiction".