Loi agriculture et alimentation : des renoncements à la pelle

Stéphane Travert
Le gouvernement (ici le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert) a notamment renoncé à interdire la vente des oeufs de poules élevées en batterie. © JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP
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Le texte qui sera voté mercredi a fait l'objet de longues et âpres discussions pendant une grosse semaine. Mais finalement, la majorité a renoncé sur de nombreux points

Un marathon parlementaire et, à l'arrivée, quelques abandons. L'examen du projet de loi agriculture et alimentation, qui aura tenu les députés en haleine depuis mardi dernier, nuits et week-end compris, sera voté mercredi à l'Assemblée. Mais pour les militants écologistes et des droits des animaux, ainsi que certains députés LREM, le rendu final n'est pas à la hauteur des attentes. Plusieurs promesses d'Emmanuel Macron ont notamment été reniées.

Pas d'interdiction noir sur blanc du glyphosate. La première d'entre elles concerne l'interdiction du glyphosate d'ici au 1er janvier 2021. Plus d'une quarantaine d'élus LREM avaient déposé un amendement inscrivant cette interdiction dans la loi, mais ils n'ont pas été suivis par la majorité de leurs collègues. Si le ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert, comme le rapporteur du texte, Jean-Baptiste Moreau, ont argué que ce n'était pas nécessaire pour interdire, et expliqué qu'ils avaient "confiance" en Emmanuel Macron pour tenir ses engagements, les élus en faveur de l'amendement craignent, eux, que l'absence de contrainte législative ne fasse tomber cette promesse aux oubliettes.

 

Recul sur les poules en batterie. Sur d'autres sujets aussi, le gouvernement a finalement reculé. Alors que le président avait promis d'interdire la vente d'œufs de poules élevées en batterie d'ici à 2022, cela ne figure finalement pas dans le texte. En revanche, un amendement interdisant la construction de nouveaux bâtiments d'élevage des gallinacés en cages a bien été voté. Mais, selon l'association de défense des animaux L214, cette mesure est "vide de sens", puisqu'il "n'y a plus d'installations ou d'extensions depuis plusieurs années, faute de débouchés".

"Reniement" sur la vidéosurveillance dans les abattoirs. Pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait écrit au Collectif Animal Politique pour lui assurer que, s'il était élu, "la vidéosurveillance dans les abattoirs sera[it] mise en place", "selon des modalités inspirées de la proposition de loi Falorni". Pourtant, ce n'est pas ce qui a été choisi dans le projet de loi agriculture et alimentation. Les caméras seront seulement expérimentées dans les abattoirs volontaires. Cela a suscité la colère d'Olivier Falorni, député non-inscrit, qui a dénoncé une "régression" et un "reniement" de l'exécutif.

Pas d'action sur les publicités alimentaires. D'autres refus de la majorité ont marqué les esprits, même s'il n'y avait pas eu la matière d'engagements formels du président de la République. Ainsi, alors que le gouvernement a lancé en novembre dernier Nutri-score, un système d'étiquetage avec un code couleur permettant d'indiquer la valeur nutritionnelle des aliments sur les emballages, l'insertion obligatoire de ce logo dans les publicités a été rejetée. De même, les publicités pour des produits alimentaires trop sucrés, trop salés et/ou trop gras à destination des enfants n'ont été ni interdites ni limitées. Et ce, a argué le ministre de l'Agriculture, pour éviter de se mettre en porte à faux vis-à-vis du droit européen, mais aussi de marcher sur les plates-bandes du CSA qui a déjà la possibilité de "travailler sur les contenus" publicitaires.

Le rejet de ces mesures n'a pas plu jusqu'au sein de la majorité. Le député de l'Isère Olivier Véran, également médecin, a ainsi regretté dans les colonnes du Dauphiné Libéré "une forte pression des lobbies". Et prévenu qu'il comptait bien revenir à la charge.

Enfin, les initiatives à destination de la restauration collective, et notamment des cantines scolaires, ont laissé bien des députés sur leur faim. Ainsi, l'introduction de repas végétariens a été rejetée, de même que l'interdiction des contenants en plastique dans les cantines, en raison des dangers que représente le bisphénol. Ces deux mesures étaient pourtant soutenues par de nombreux députés LREM.

 

Quelques avancées

La loi a également permis quelques avancées pour les consommateurs : les députés ont voté l'interdiction d'utiliser des bouteilles d'eau plate dans les cantines à partir de 2020 (sous réserve que l'eau du robinet soit potable) ou encore le principe d'un objectif à 50% de produits bio ou préservant l'environnement dans la restauration collective. L'étiquetage des aliments sera également modifié, avec des mentions telles que le mode d'élevage, la nourriture des animaux aux OGM ou encore l'origine géographique. Le dioxyde de titane E171, un additif utilisé notamment dans les bonbons, a été suspendu. Enfin, les "doggy-bags", qui permettent d'emporter la fin de son repas au restaurant afin de ne pas gaspiller, seront obligatoires d'ici à 2021. Concernant les industriels, l'Assemblée a renforcé les sanctions contre les groupes qui ne publieraient pas leurs comptes annuels.