Les frondeurs du PS à l'épreuve de l'union nationale

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Louis Hausalter , modifié à
TOUJOURS LÀ - Alors que le projet de loi Macron arrive au Parlement, l'aile gauche du Parti socialiste compte toujours s'opposer à la politique du gouvernement. Mais le contexte post-attentats complique les choses.

Certes, en se disant "consterné" par le mot d'"apartheid" employé par Manuel Valls, Nicolas Sarkozy a quelque peu rompu avec le climat d'union nationale. Mais au sein de la gauche, quand la rupture ressurgira-t-elle ? Qu'on ne s'y trompe pas : derrière les applaudissements adressés au gouvernement et les Marseillaise chantées à l'unisson à l'Assemblée nationale, l'aile gauche du PS maugrée toujours contre la politique économique du gouvernement, et compte bien donner à nouveau de la voix. D'autant que le projet de loi Macron, auquel elle est farouchement opposée, sera examiné dès la semaine prochaine par les députés en séance publique.

"Les problèmes économiques n'ont pas changé". Installé sur un canapé de l'Assemblée, Laurent Baumel, l'un des chefs de file de ces "frondeurs" du PS, semble toujours décidé. "Les évènements changent le ton du débat, mais pas le fond", assure le député d'Indre-et-Loire. Même s'il concède que "tout le monde est spontanément amené à remettre le débat sur la loi Macron à sa juste place. Ce serait hors sol d'en faire une foire d'empoigne".

"L'union nationale est valable pour les motifs qui l'ont provoquée, c'est-à-dire la lutte contre le terrorisme. Mais les problèmes économiques n'ont pas changé parce que ces évènements tragiques se sont produits", renchérit Philippe Noguès, député du Morbihan. "La vie doit continuer et le débat démocratique doit perdurer. Faire le contraire serait donner quitus aux terroristes".

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Certes, pour le début de l'examen du projet de loi Macron, Philippe Noguès prédit "un ton plus mesuré sur la forme". De quoi empêcher les frondeurs de porter le fer face au ministre de l'Economie ? "Dans le bruit ambiant, ce n'est pas facile. Il faudra quelques semaines pour qu'un débat politique se réinstalle", prévoit Pouria Amirshahi, député des Français de l'étranger.

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Appels à l'unité. L'aile gauche du PS est donc sur une ligne de crête. D'autant qu'en face, l'exécutif, reboosté par un soudain regain de popularité, ne cache pas sa volonté d'étendre l'union nationale aux réformes à venir. François Hollande n'a-t-il pas appelé, lundi, les acteurs économiques à être "à la hauteur" de "l'esprit du 11 janvier", martelé à l'envi ? Et quelques jours plus tôt, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, n'avait-il pas sommé "les gauches" de "trouver le chemin de l'unité" ?

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"Indécent" de surfer sur l'union nationale. "Ils profitent du contexte, c'est un abus d'autorité", grince l'une des figures de la fronde. "Profiter de ce moment particulier pour accélérer, c'est indécent. Ils veulent nous faire passer pour des ennemis de l'union nationale. On est dans les coups de menton, l'autorité, la petite phrase. La hauteur de vue qui serait nécessaire n'est pas là".

Une question de temps ? "Si n'y a pas d'autres évènements tragiques, les sujets économiques et sociaux vont peu à peu reprendre leur place", veut croire Laurent Baumel, qui compte bien combattre le "texte inutile" d'Emmanuel Macron. "Nous allons faire d'autres propositions pour montrer ce qu'auraient pu être de vraies réformes structurelles". Et dans l'état actuel du projet de loi, les frondeurs parient sur un grand nombre de votes contre. Ce qui marquerait une nouvelle étape : ils avaient pour l'instant toujours préféré l'abstention, comme lors du vote de confiance à Manuel Valls ou l'examen des textes budgétaires.

Au-delà de la loi Macron, d'autres désaccords avec l'exécutif pourraient-ils apparaître sur les sujets revenus sur le devant de la scène après les attentats - sécurité, intégration, école ? Pouria Amirshahi s'agace ainsi des propos retentissants de Manuel Valls sur l'"apartheid territorial, social, ethnique". "De quelles ethnies il parle ? Il y a une ethnie noire en France ?", s'étrangle le député. Il se dit également très vigilant sur les nouvelles mesures antiterroristes, dénonçant  "une double dérive, libérale et sécuritaire".

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