Le chamboule-tout de la gauche radicale

Si le Front de gauche est ouvert à un rapprochement avec le NPA, la formation de Jean-Luc Mélenchon se heurte à un hic.
Si le Front de gauche est ouvert à un rapprochement avec le NPA, la formation de Jean-Luc Mélenchon se heurte à un hic. © MAXPPP/REUTERS
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Besancenot prône une "opposition unitaire". Mélenchon multiplie les attaques contre l'exécutif.

La déroute du NPA et de Lutte ouvrière à la présidentielle. La déconvenue de Mélenchon à Hénin-Beaumont. L'arrivée des socialistes au pouvoir. Au lendemain des législatives, la gauche radicale s'est retrouvée à terre. L'été est passé par là et avec lui, le spectre de l'austérité, un chômage record et le Traité européen. Autant de sujets sur lesquels la gauche de la gauche compte reprendre de la voix.

Dans ce contexte social tendu, les composantes de la gauche radicale (Front de gauche, NPA, Lutte ouvrière) multiplient les appels à la mobilisation unitaire. Objectif : faire pression sur le gouvernement.

Mélenchon, "meilleur opposant" à Hollande

Premier à avoir donné le ton, Jean-Luc Mélenchon. Après une tournée estivale en Amérique du Sud, le patron du Front de gauche a opéré une rentrée politique remarquée. L'ancien candidat à la présidentielle multiplie depuis plusieurs jours les attaques contre un gouvernement qu'il qualifie de "plan-plan". Quitte à donner des sueurs à ses alliés communistes qui ne veulent pas donner l'impression de miser sur un éventuel échec de la majorité. Une stratégie payante, pour l'instant, puisque Jean-Luc Mélenchon a décroché le titre de "meilleur opposant" à François Hollande, devant les personnalités de droite et d'extrême droite (sondage OpinionWay pour Le Figaro du 27 août).

 

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Pourtant, l'intéressé s'en défend : "je ne suis pas un opposant à Monsieur Hollande. Je suis un ayant droit autonome", rectifie celui qui a recueilli 11% des voix au premier tour de la présidentielle.

Besancenot appelle "à l'action"

Un positionnement ambigu que ne manque pas de pointer du doigt Olivier Besancenot. L'ancien leader du NPA, de retour sur le devant la scène politique, un bouquin en main (On a voté... et puis après) estime que la position de Jean-Luc Mélenchon et du Front de gauche, c'est "ni dans le gouvernement, ni dans l'opposition, une situation instable". Mais ne demandez- pas à Olivier Besancenot de taper sur Jean-Luc Mélenchon. Sa cible ? François Hollande. Son allié ? Le patron du Front de gauche et ceux qui à la gauche du PS voudront bien s'unir à lui pour combattre la politique de l'exécutif. Redevenu un simple militant du NPA, Olivier Besancenot prône ainsi une "opposition unitaire à la gauche du gouvernement".

Sur Europe 1 mercredi, le leader anticapitaliste a bien expliqué qu'il ne se faisait "pas d'illusions" : "sous Hollande, rien ne nous sera donné. On est dans le cadre d’une alternance sociale-libérale". L'occasion pour l'ex-porte-parole du NPA de lancer "appel à l'action". "C’est à nous, le restant de la gauche, de la gauche non gouvernementale, sociale et politique, de nous réveiller. Et de nous réveiller vite. On a le bilan de 81, 88, 97, pour savoir que si la rue ne se réinvite pas vite, alors on se fera enfler", a-t-il insisté.

Dans ces conditions, la gauche radicale peut-elle espérer prospérer ? Selon Eddy Fougier, spécialiste de l'extrême-gauche à l'Iris, le contexte actuel constitue sans conteste un terrain fertile. "La gauche radicale a tendance à se mobiliser quand la gauche est au pouvoir. Les attentes sont fortes et les facteurs de convergence sont là", analyse-t-il. A savoir les plans de licenciements ou le Traité budgétaire européen. Le chercheur ne manque pas de relever que le mouvement des Indignés, qui n'a jamais vraiment pris en France,  a fait son apparition en Espagne et en Grèce alors que la gauche était au pouvoir.

A l'unisson contre le Traité européen

Le Pacte budgétaire européen pourrait, sur ce point, rassembler la gauche radicale. Le texte doit être soumis au Parlement début octobre, et Jean-Luc Mélenchon, chef de file, avec Laurent Fabius, du "non" au traité constitutionnel pour l'Europe en 2005, a déjà appelé à une manifestation nationale le 30 septembre pour exiger un référendum. "Sur l'Europe, les choses s'enquillent plutôt pas mal", se réjouissait à ce propos Olivier Besancenot la semaine dernière. Mais l'union de la gauche radicale saura-t-elle dépasser la simple mobilisation de la rue ? Si sur Europe 1 mercredi, Olivier Besancenot a une nouvelle fois tendu "une main fraternelle à Jean-Luc Mélenchon, à Nathalie Arthaud (porte-parole de Lutte ouvrière, nldr)" et même aux Verts, le facteur de Neuilly s'interroge : "la question, c'est comment on fait pour passer de la résistance sous la droite à l'offensive".

>> L'Europe divise (à nouveau) la gauche

Comment ? Sur la question des Roms par exemple, Olivier Besancenot, qui porte un regard acerbe sur l’action de Manuel Valls ("Nicolas Sarkozy a laissé un ministre dans les cartons", écrit-il dans son livre) a appelé sur Europe 1 à une mobilisation anti-raciste contre la politique du gouvernement.

Divisés sur la stratégie face au gouvernement

Si le Front de gauche est ouvert à un rapprochement avec le NPA, la formation de Jean-Luc Mélenchon se heurte à un hic : "la réponse du NPA, c'est la mobilisation, point", regrette Martine Billard, co-présidente du Parti de gauche. Contactée par Europe1.fr, l'ancienne députée marque sa différence avec le parti trotskiste : "nous nous marchons sur deux pieds : la mobilisation et la participation aux institutions (le Front de gauche compte notamment 10 élus à l'Assemblée nationale". Cette proche de Jean-Luc Mélenchon soulève un autre point de désaccord majeur : "nous, nous ne mettons pas François Hollande et Nicolas Sarkozy sur un même pied".  Autant dire que les choses se présentent mal, surtout que Lutte Ouvrière continue à vouloir faire cavalier seul et qu'à l'intérieur du Front de gauche, il existe des divergences de point de vue entre les communistes et le Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon sur la "posture" à adopter vis-à-vis du gouvernement.

Les attaques répétées du patron du Parti de gauche irritent ses alliés du Parti communiste. Ses dirigeants aiment à rappeler qu'ils ne sont pas dans une simple logique d'opposition, et qu'ils sont "disponibles pour une autre politique de gauche".

 

"La force qui a le vent en poupe, c'est le Front de gauche"

Mais pour le politologue Eddy Fougier, seul le Front de gauche est à même actuellement de donner un nouveau souffle à la gauche de la gauche. Lutte Ouvrière, marginale, continue de faire bande à part et le NPA connaît une vraie crise structurelle.  Après avoir réalisé en mai dernier son pire score pour une présidentielle depuis sous la 5e République, le NPA a vu partir bon nombre de ses cadres pour le Front de gauche. En appelant aujourd'hui à un mouvement unitaire, Olivier Besancenot chercherait avant tout à reprendre la main sur la gauche radicale, explique le spécialiste de l'extrême gauche.

Mais l'ancien leader du NPA, lors de la présidentielle de 2002  a-t-il les moyens ? "La force qui a le vent en poupe à l'heure actuelle, ce n'est pas le NPA, mais bien le Front de gauche. Olivier Besancenot n'a plus nécessairement aujourd'hui de visibilité politique", estime Eddy Fougier. Le politologue dresse un parallèle cinglant : il y a dix ans, la personne la plus emblématique à la gauche de la gauche c'était Besancenot. Aujourd'hui, "le plus populaire de l'opposition, c'est Mélenchon".