Face à la percée d’Emmanuel Macron, Les Républicains veulent garder la tête froide

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Les soutiens de François Fillon ont largement cibler Emmanuel Macron lors du grand meeting de leur champion à la Villette. © ERIC FEFERBERG / AFP
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Romain David , modifié à
Le parti Les Républicains fait feu sur l’ex-ministre de l’Economie, présenté comme l'un des derniers responsables du quinquennat encore dans la course pour la présidentielle.

Il est le nouvel adversaire à abattre. La dynamique créée par Emmanuel Macron, qui dès le lendemain de la primaire organisée par le PS a commencé à aimanter quelques-uns des soutiens de Manuel Valls, n’a pas échappé à la droite, qui déjà installe l’idée d’un duel Fillon/Macron, et cherche à faire porter à l'ancien ministre le bilan du quinquennat. "Monsieur Macron, il faut commencer à s’en occuper", a lancé François Baroin, le maire de Troyes, lors du grand meeting de François Fillon, dimanche, à la Villette. Le sarkozyste, devenu conseiller stratégique de la campagne du Sarthois, a tenu à ramener l’ex-ministre de l’Economie dans le giron de François Hollande : "Il est la dernière roue de secours des orphelins du hollandisme", a-t-il déclaré. "Cher François, vous devez nous sauver de la famille Macron-Hamon, la famille Hacron !", a encore imploré à la tribune Virginie Calmels, adjointe d’Alain Juppé à la mairie de Bordeaux. "Ce que je vois, après la primaire organisée par le PS, c’est une clarification", relève encore auprès d’Europe 1 Thierry Solère, l’un des porte-parole de François Fillon. "Macron est désormais le dernier des représentants du hollandisme", estime-t-il après la victoire de l'ancien frondeur Benoît Hamon.

"Un missile anti-Macron"

Les Républicains cherchent aussi à prévenir la fuite d’éventuels militants tentés par l’aventure présidentielle de l’ancien locataire de Bercy. Mercredi dernier, François Fillon assistait au lancement officiel de DroiteLib’, un mouvement fondé par Virginie Calmels. L’objectif : apporter un appui concret à François Fillon, en agrégeant des recrues de la société civile, un peu à la manière d’ "En marche !". "Tous les sujets n’étant pas nécessairement abordés dans une campagne, on va mettre en place des groupes de travail, et sur certaines thématiques, on fera des propositions. On pourra aussi repartir du projet de François Fillon et faire de la pédagogie", détaille notamment auprès d’Europe 1 l’élue, débarquée en politique depuis seulement trois ans, après plus de vingt ans passés dans le monde de l’entreprise. 

Un outil d’approfondissement donc, mais pas seulement, car DroiteLib’ ressemble aussi sérieusement à un rempart contre les tentations d’une ligne modérée, que peut séduire le discours de celui qui se dit "ni de gauche ni de droite". "Un missile anti-Macron", résume à mi-mots un Républicain. Juppéiste, issue de la société civile, Virginie Calmels semble en effet particulièrement désignée pour s’adresser à l’électorat d'Emmanuel Macron. D’ailleurs, l’intéressée elle-même pointe des similitudes de parcours : "On fait de la politique depuis peu de temps. On ne vient pas d’un système, même si lui est passé par l’ENA et a été haut fonctionnaire. Et puis, nous sommes à peu près du même âge."

La dynamique Fillon à l’arrêt

Il faut dire que la dynamique créée par Emmanuel Macron en fait désormais un candidat de taille à inquiéter la droite. Si dans les enquêtes d’opinion sur la présidentielle, François Fillon continue de devancer l’ancien conseiller de François Hollande, qui ne franchit pas la marche du premier tour, son avance a pourtant commencé à se tasser. C’est du moins ce que révèle un dernier sondage Kantar Sofres-One Point pour Le Figaro, RTL et LCI, réalisé après la polémique sur les rémunérations touchées par Penelope Fillon, et plaçant au coude à coude le candidat de la droite (22%) et Emmanuel Macron (21%). En tenant compte de la marge d’erreur, équivalente à 1 point, François Fillon et Emmanuel Macron nagent désormais "dans les mêmes eaux", selon la formule d’Edouard Lecerf, directeur du département Politique et Opinion de Kantar Public.

De fait, le phénomène Macron séduit à droite, et a même commencé à grappiller quelques soutiens parmi d’anciennes personnalités politiques. Serge Lepeltier et Renaud Dutreil, tous deux ex-UMP et anciens ministres de Jacques Chirac, ont rallié l’ancien protégé de François Hollande ces dernières semaines. "La chiraquie, canal historique, est derrière Macron", assure le second à Libération, même si le groupe LinkedIn qu’il a lancé, "la droite avec Macron", ne réunit aujourd’hui qu’une quarantaine d’abonnés. Fin janvier, c’est Alain Minc, ancien partisan d’Alain Juppé, qui a annoncé son soutien à Emmanuel Macron. "Je vais voter Emmanuel Macron. Pour une raison : il est le seul candidat authentiquement européen", a expliqué le président de la SANEF dans Le Journal du Dimanche. "Je regretterai toujours le résultat de la primaire. Si Juppé avait gagné, il n'y aurait pas de sujet Macron. Mais Macron a ce que Napoléon exigeait de ses généraux : du talent et de la chance. Le talent, il l'a montré. La chance, il en a tous les jours". 

Quelques "cas isolés" de désertion

Pour l’heure, aucun baron du parti n’a encore franchi le Rubicon. Mais devant la percée de l’ex-conseiller de François Hollande, toujours au zénith de sa popularité, les avertissements se sont multipliés dans l’entourage de François Fillon, car les fuites pourraient venir d’ailleurs. "Attention, toute la jeunesse part chez Macron", lui a lancé le député du Val-de-Marne Jacques-Alain Bennisti mi-janvier. "Il y a pu avoir des tentations le soir de la défaite", veut nuancer Virginie Calmels. "Parfois, c’était leur premier engagement politique. Forcément, le soir du second tour, il y a de la déception. Il y a aussi une interrogation : est-ce que tous vont se reporter automatiquement sur François Fillon ? Pour la majorité, la réponse a été oui. Mais il y a une minorité, pas nécessairement encartée, qui était moins dans le mécanisme des primaires et pour qui cette logique ne s’appliquait pas. Ils étaient d’abord attachés à une personne". Pour une partie de ces égarés, DroiteLib’ a pu servir de réceptacle : "Ce sont des jeunes, certains le soir même de la défaite [du second tour de la primaire, ndlr], qui m’ont demandé de lancer un mouvement."

Matthieu Ellerbach, ancien président des Jeunes avec Juppé, désormais engagé dans la campagne de François Fillon, évoque quelques "cas isolés" de désertions. "Sur 1.500 comités de soutien, il y a eu moins de dix animateurs partis chez Macron", assure-t-il auprès d’Europe 1. "Après le second tour, il y a eu une déception, c’est vrai. Mais, en ce qui me concerne, la source de mon engagement c’était d’en finir avec le quinquennat de François Hollande et la menace que représente le FN. Ces deux objectifs, on peut les poursuivre avec François Fillon", affirme-t-il, tout en rappelant qu’Emmanuel Macron, à trois mois du scrutin, n’a toujours pas dévoilé son programme.

Un électorat trop volatile ?

C’est d’ailleurs sur ce point que s’appuie Jean-Pierre Raffarin pour cibler, selon lui, la forte volatilité de l’électorat d’Emmanuel Macron : "Il récolte des mécontentements et probablement des électorats qui sont, entre eux, incompatibles", souligne sur Europe 1 l’ancien Premier ministre de Jacques Chirac. "J’ai déjà croisé trois ou quatre personnes parties chez Macron, mais revenues à droite", assure Virginie Calmels. "C’est pour ça que sa dynamique, je la crois très fragile. Dès que l’on discute un peu, que l’on argumente, ça ne tient pas, même avec des entrepreneurs. À mon avis, il attire encore beaucoup de gens qui ne savent pas où aller, et qui sont séduits par l’effet de nouveauté." "C’est une très belle opération marketing de non-engagement. Ça reste flou, et c’est efficace", conclut Jean-Pierre Raffarin. Avec un programme annoncé pour la fin du mois de février, il reste encore un mois à Emmanuel Macron pour peaufiner un projet qui soit capable de lui conserver ses sympathisants venus de gauche… mais aussi de droite.