Écoutes de Sarkozy : qui savait quoi ?

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ON REMBOBINE - L’opposition crie au scandale politique. La majorité, elle, a quelque peu bafouillé.

 Depuis lundi, la majorité se débat avec l’affaire des écoutes visant Nicolas Sarkozy, que l’opposition assimile à "un scandale d’Etat". Et si l’UMP a réussi à déplacer l’affaire du terrain judiciaire vers le terrain politique, c’est que la majorité a rencontré quelques problèmes dans sa communication. Retour sur les déclarations gouvernementales et leur évolution.

 >> Ce qu’a dit Christiane Taubira :

Lundi, après trois jours de polémique sur la légalité des écoutes visant Nicolas Sarkozy, Christiane Taubira se rend sur le plateau de TF1. "Je n'avais pas l'information" que Nicolas Sarkozy et son avocat étaient écoutés, a-t-elle assuré au JT de 20 heures, rappelant qu'"il s'agit d'une information judiciaire" qui est donc "traitée par des magistrats du siège (...) qui sont totalement indépendants, sans relation avec la Chancellerie".

Mardi, le Canard enchaîné a révélé que la Garde des Sceaux avait un accès au dossier, certes partiel, depuis l'ouverture de l'information judiciaire, le 26 février dernier. Cet accès se matérialisait par la transmission régulière d'un "résumé du déroulé de l'enquête, comprenant une synthèse des écoutes téléphoniques", écrit le Canard. Ce qu’a confirmé Jean-Marc Ayrault quelques heures plus tard sur France 2. Puis François Falletti, le procureur général de Paris, mercredi matin sur Europe 1 : "j'ai informé Christiane Taubira le 26 février".

>> Ce qu’a dit François Hollande :

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"Sarkozy je sais exactement ce qu'il fait, je le surveille". Cette phrase attribuée à François Hollande par le Figaro Magazine a fait bondir l’UMP, qui a alors crié au scandale d’Etat. Sommé de s’expliquer, le président, officiellement, n’a pourtant pas dit un mot dans cette affaire, laissant Jean-Marc Ayrault monter au front. A l’Elysée, on assurait que le chef de l’Etat n’avait pas été mis au courant de cette mise sur écoute de son prédécesseur.

Le Parisien de mercredi croit savoir que François Hollande avait été informé le 4 mars, date des perquisitions ayant visé l'avocat de Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog,  et le magistrat Gilbert Azibert. Soit plus d’une semaine après que Manuel Valls et Christiane Taubira aient eu l’information.  "Je crois que cette information est juste", a confirmé Manuel Valls sur RTL.

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>> Ce qu'a répondu Christiane Taubira :

Christiane Taubira a ensuite décidé de taper du poing sur la table mercredi. Accusée par l’UMP d’avoir moenti sur sa connaissance des écoutes visant Nicolas Sarkozy - Jean-François Copé réclamant même sa démission - , la ministre de la Justice a pris la parole après le Conseil des ministres. "Non, je n’ai pas menti", a-t-elle assuré, même si elle veut bien reconnaitre "un malentendu." Christiane Taubira reconnait ainsi avoir été mis au courant de l'existence des écoutes le 28 février. Mais "je n'ai pas d'information" sur "la date, la durée et le contenu" des écoutes, a promis la garde des Sceaux. "Je n'ai pas de synthèse de contenu d'écoutes", a-t-elle renchéri, démentant les informations du Canard enchaîné.

Pour prouver son honnêteté, Christiane Taubira a montré aux caméras deux documents, présentés comme "ce qui est remonté à la Chancellerie". "Pensez-vous vraiment qu'il y a le contenu des écoutes téléphoniques dans l'épaisseur de ce dossier?", s'est-elle interrogée.

Le hic, comme le relate Le Monde, qui révèle le script de ces deux documents, c'est que le premier document est une lettre que lui a adressé l'avocat général près la Cour d'appel de Paris, le 26 février, et non le 28, comme le prétend la ministre. Et le second, un courrier de Eliane Houlette, procureur financier, évoque clairement la date et le contenu des écoutes.

"Les policiers ont intercepté entre le 28 janvier et le 11 février 2014, des conversations téléphoniques entre Monsieur Nicolas Sarkozy utilisant une ligne téléphonique souscrite sous un nom d'emprunt (Paul Bismuth) et M. Thierry Herzog, avocat se servant d'une ligne téléphonique souscrite le même jour et au même endroit que la première", peut-on d'abord y lire. Et ensuite : "ces communications mettent également en évidence que ce magistrat aurait fait part à Thierry Herzog de son souhait d'être nommé conseiller au tour extérieur au Conseil d'Etat de Monaco et que Nicolas Sarkozy aurait assuré qu'il l'aiderait dans ce projet ‘avec ce que tu fais' (selon Thierry Herzog)".

>> Ce qu’a dit Jean-Marc Ayrault :

François Hollande souhaitant rester discret sur ce sujet, c’est le Premier ministre qui est monté au front. Le 7 mars, devant les caméras de BFMTV, il était catégorique : "je n'ai pas à être au courant. Je ne vois pas comment je pourrais être au courant. Il s'agit du travail de la justice et la justice travaille en toute indépendance. Je ne vois pas pourquoi l'exécutif aurait à connaître les enquêtes. Laissons les juge travailler". 

Quand Jean-Marc Ayrault disait ne pas être au...par LeLab_E1

Mardi soir, Jean-Marc Ayrault s’est rendu sur le plateau de France 2 pour tenter de déminer l’affaire. Mais à cette occasion, il a certes affirmé que l'exécutif "n'a pas appris le contenu des écoutes" judiciaires visant Nicolas Sarkozy mais qu’il connaissait leur existence depuis le 26 février, date de l'ouverture d'une information judiciaire.

>> Ce qu’a dit Manuel Valls :

Le ministre n’en démord pas : non, il ne savait rien. Invité mercredi matin de RTL, Manuel Valls a répété avoir été mis au courant des écoutes visant Nicolas Sarkozy "à l’occasion des révélations du Monde", le 7 mars. Comme tous les Français, donc.

VIDÉO - Affaire Sarkozy : Manuel Valls dit...par rtl-fr

L’avenir dira (peut-être) si le premier flic de France a (vraiment) dit la vérité. Toujours est-il que le Canard Enchaîné, plutôt bien informé dans cette affaire, assure qu’il a été mis au courant le premier et même qu’il "n'a pas eu de mal à coiffer au poteau sa collègue de la Justice". Ainsi, "les officiers de police judiciaire qui retranscrivent les écoutes doivent (…) faire parvenir régulièrement leur rapport sur l'avancement de l'enquête". Un rapport remis "à la demande" du ministre lui-même, écrit encore le Canard.

Interrogé sur ces déclarations du ministre de l'Intérieur, François Falletti a toutefois botté en touche. Le procureur général a assuré ne pas savoir quand ce dernier a appris la nouvelle: "je ne peux pas vous dire, il faut demander à Manuel Valls", a-t-il répondu. Et l'ancien patron de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) Christian Lothion a appuyé les dires du ministre de l’Intérieur : "Oui, j'ai bien été informé de la mise sur écoute de l'ancien président de la République. J'ai considéré que je n'avais pas à informer le ministre de l'Intérieur, ni du placement sur écoute, ni du contenu des transcriptions", a-t-il affirmé mercredi.