Combien coûteraient les propositions des candidats PS ?

Primaire PS : huit propositions passées au crible
Primaire PS : huit propositions passées au crible © REUTERS - MAXPPP
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Hélène Favier , modifié à
Les mesures des candidats à la primaire sont-elles chiffrables ? La réponse de 3 économistes.

Pacte générationnel, création de postes de profs, de policiers ou d’emplois jeunes : les candidats à la primaire PS ont ferraillé dur, lors de leur trois débat, autour du coût des mesures qu’ils proposent. Europe1.fr a demandé à plusieurs économistes si leurs propositions étaient chiffrables et réalistes. Voici les réponses d'Eric Heyer, directeur adjoint au département analyse et prévision de l'Observatoire français des conjonctures économiques, de Bruno Jérôme, maître de conférence à Paris II et de Philippe Waechter, directeur de la Recherche Économique, chez Natixis Asset Management.

>> Les "300.000 emplois d’avenir" d’Aubry (4 milliards)

Martine Aubry entend rééditer son expérience de fin 1990 et propose la création de 300.000 "emplois d’avenir" - dont la moitié en 2012 - axés sur la croissance verte et destinés aux jeunes de moins de 25 ans. Ils seront "exclusivement créés dans le secteur non marchand : association, collectivités locales, Etat. La maire de Lille estime que 13.333 euros seraient versés, par an, pour chacun de ces emplois aidés. La mesure coûterait au total quatre milliards d’euros à l’Etat.

RÉALISTE - "Quatre milliards d’euros pour 300.000 emplois aidés : la mesure est plus que réaliste", estime Eric Heyer. "Aujourd’hui, les emplois aidés coûtent environ 8.000 euros par an et par emploi de 20 heures par semaine. Même si on ajoute d’autres coûts (RSA,etc.) et que l’on comptabilise ces 'emplois d’avenir' comme des temps pleins, on est largement dans les clous", ajoute l’analyste.

>> Le "RSA moins de 25 ans" de Baylet (1 milliard de +)

Lors du second débat, Jean-Michel Baylet, le président du Parti radical de gauche, également candidat à la primaire socialiste, a promis, s’il était élu, d’étendre le RSA à tous les jeunes de moins de 25 ans. Le RSA étant le revenu de solidarité active à 75% du Smic.

COMPLIQUÉ - "Aujourd’hui, le RSA pèse 2,5 milliards dans notre budget. L’étendre aux moins de 25 ans, l’alourdirait environ d’un milliard", chiffre Bruno Jérôme. Mais, "attention, aux effets d’aubaine. Si les étudiants peuvent toucher le RSA, leur nombre pourrait soudainement augmenter", prévient-il. 

>> Le "contrat de génération" de Hollande (8 milliards)

Dans son programme pour la primaire socialiste, François Hollande avance une idée inédite : tout employeur qui s’engagerait à garder un senior jusqu'à sa retraite et embaucherait dans le même temps un jeune de moins de 25 ans pour acquérir son savoir-faire serait dispensé pendant trois ans de cotisation sociale sur les deux emplois. L’élu de Corrèze table sur 200.000 contrats de génération . Et "ça coûte très cher, François Hollande lui même l'avait d'abord annoncé à 12 milliards d’euros et maintenant à 8", a fustigé la semaine dernière Martine Aubry , pour qui un tel contrat "ne marche pas".

HASARDEUX - "Ce projet peut effectivement coûter 8 milliards d'euros, comme il peut en coûter beaucoup plus", analyse Eric Heyer. "Là, tout se passe dans le secteur privé et la facture dépend alors de l’engouement des entreprises", ajoute-t-il. Il faut également se méfier des "effets d’aubaine". Dans un contexte déprimé, les entreprises qui ont de toute manière besoin d’embaucher se tourneront vers cette solution 'bon marché' pour elles. "La mesure sera donc chère pour l’Etat et au final, peu créatrice d’emplois", note le directeur adjoint au département analyse et prévision de l'OFCE, sceptique sur cette mesure.

>> La "retraite à 60 ans" du projet PS  (25 milliards d’ici 2014 ?)

Le PS a promis, dans son programme, le rétablissement de l'âge légal de départ à la retraite à 60 ans. "Une telle décision gommerait la réforme adoptée, en 2010, par le gouvernement actuel", note Bruno Jérôme, maître de conférence à Paris II. "Si l’on se base sur les chiffres de la direction générale du Trésor, gommer cette réforme coûterait environ 25 milliards d’euros, d’ici à 2014 et beaucoup plus en suite", résume-t-il.

COMPLIQUÉ - "La réforme des retraites de 2010 consistait déjà à du ‘replâtrage’. Jusqu’en 2020, on ne fait que gérer l’urgence", précise Bruno Jérôme avant d’ajouter : "après, il faudra réformer". Le retour à 60 ans, "ce n’est donc pas la question. Il faut une réforme structurelle du système". Même son de cloche chez Philippe Waechter, directeur de la Recherche Économique, chez Natixis Asset Management. "Notre système ne passera pas 2018- 2020. Il va falloir trouver rapidement un système viable et donc réformer. Ensuite, on pourra voir à quel âge on fixe l’âge légal de départ à la retraite. Parler déjà d’un retour à 60 ans est donc pour le moins prématuré, voire excessif". 

>> Les "60.000 postes de profs" de Hollande (1 milliard)

A la surprise générale, François Hollande, qui avait fait de la lutte contre les déficits l'un de ses chevaux de bataille, a annoncé, début septembre dans l’Aisne, qu'il recréerait, s’il était élu, en cinq ans, les "60.000 à 70.000" postes supprimés par la droite depuis 2007 dans l'Education nationale. Mais "François Hollande reste très attaché à la maîtrise des dépenses publiques. Il n'y aura pas d'augmentation globale des effectifs de la Fonction publique. Les créations de postes dans l'Education nationale seront compensées par des suppressions de postes dans d'autres ministères", a immédiatement assuré son entourage promettant que la mesure ne coûterait pas plus d’un milliard d'euros.

RÉALISTE - "Les nouveaux professeurs sont des fonctionnaires en bas de l’échelle. Le coût pour l’Etat n’est donc pas si élevé. Cette proposition ne pose donc pas de problème", juge Eric Heyer avant d’ajouter : "l’UMP a beaucoup critiqué cette mesure, jugeant qu’à ce coût, il fallait ajouter le coût de la future retraite de ces 60.000 embauchés… Mais bon, ce sera dans 42 ans".

>> Les 10.000 policiers supplémentaires d’Aubry (300 millions)

Mercredi soir, comme au mois d’août à Marseille , Martine Aubry a promis qu'elle rétablirait les 10.000 emplois de policiers et gendarmes supprimés ces dernières années si elle était élue à l'Elysée. Une mesure qui "coûte 300 millions d'euros", a-t-elle promis lors du dernier débat de la primaire PS.

RÉALISTE - "Comme pour les 60.000 fonctionnaires de l’Education, promis par François Hollande, il s’agit de fonctionnaires payés presque au SMIC, en bas de l’échelle. La proposition et son chiffrage semblent donc acceptables", ajoute l’économiste.

>> "Les 50.000 délinquants en centres fermés" de Royal (de 1 à 5 milliards)

"La priorité est la délinquance des mineurs" a martelé, lors du second débat, Ségolène Royal, soulignant l'importance de sa mesure d'encadrement militaire des jeunes délinquants. "Il n'y a pas suffisamment de places dans les centres fermés. Le coût est de 600 euros par jour. On peut reprendre les jeunes, leur apprendre le permis de conduire et reconquérir l'estime d'eux-mêmes", estime la candidate, pour qui, grâce à la collaboration des militaires avec des éducateurs, le coût d’un jeune pourrait être ramené à "100 euros par jours".

PEU RÉALISTE - "Des études ont été faites localement : il en ressort que le coût par jour de l’encadrement dans un centre fermé d’un primo délinquant avoisine 600 à 700 euros. Si l’on considère que le séjour d’un jeune avoisine 200 jours en moyenne, on atteint un coût de 140.000 euros par jeunes et par an, soit  7 milliards d’euros pour 50.000 jeunes", analyse Bruno Jérôme. "Ségolène Royal propose, pour réduire les coûts, un encadrement militaire. Mais c’est peu réaliste. Il faut, en moyenne, trois personnes pour encadrer, donner des cours, surveiller un jeune. Or les 350.000 militaires ne sont plus assez nombreux pour assurer, aujourd’hui, cette nouvelle mission, en plus de celles qu’ils ont déjà", assure le spécialiste d’économie publique. "Et puis après ?", s’interroge Philippe Waechter de Natixis, "il faudra réintégrer ces jeunes, en milieu scolaire ou dans la vie professionnelle. Or cela coûte cher", estime-t-il. 

>> Une "tutelle" pour les banques de Montebourg (20 milliards?)

La situation des banques françaises s'est invitée dans la campagne présidentielle, les socialistes promettant, lors de leurs deux derniers débats, une vaste réforme. Arnaud Montebourg évoque notamment une mise sous tutelle des banques, sans chiffrer cette réforme.

POLITIQUEMENT DIFFICILE - "Déjà en 2008, l’Etat était entré au capital des banques, à hauteur de 20 milliards. Une nationalisation partielle d’une partie du système bancaire pourrait coûter environ la même chose", estime Bruno Jérôme. Mais "cette position sera-t-elle compatible avec nos engagements européens, nos engagement vis-à-vis de la zone euro et de la Banque centrale européenne", s’interroge l’économiste.

>> Où les socialistes vont-ils trouver cet argent ?

"Les socialistes ont été assez clairs sur la manière dont ils comptaient se dégager une marge de manœuvre : ils ont annoncé d’emblée qu’ils supprimeraient 50 milliards de niches fiscales ", répond Eric Heyer qui rappelant que "l’IGF (l’Inspection générale des finances), après le Parti socialiste, avait également isolé 50 milliards de niches fiscales à supprimer. Ces niches existes donc sur les chiffres mais plutôt sur la manière dont ils dépensent".

05.10 3e débat primaire ps 930620

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