Cazeneuve à l’Intérieur ? Un choix qui déroute

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Rémi Duchemin, avec agences , modifié à
Discret, affable, mais capable d’autorité, le nouveau locataire de la place Beauvau est armé pour s’imposer malgré les réticences des policiers.

Ils attendaient François Rebsamen ou Jean-Jacques Urvoas, ils ont finalement eu Bernard Cazeneuve. Comme beaucoup, les syndicats de policiers ont été pris par surprise au moment de l’annonce du nouveau ministre de l’Intérieur. Surpris donc, mais aussi pour certains sceptiques vis-à-vis de l’ex-ministre du Budget, que les représentants des fonctionnaires de police n’ont pas hésité à faire connaître. Avant même de laisser au principal intéressé le soin de s’installer. Bernard Cazeneuve doit donc s’attendre à subir une certaine pression lors de ses premiers pas de ministre. Pas de quoi effrayer l’ancien député-maire de Cherbourg, un homme discret mais habitué aux missions difficiles.

>>> L’accueil glacial des policiers

Bernard Cazeneuve, cet illustre inconnu. Dans la plupart des réactions de policiers, la surprise vient du fait que Bernard Cazeneuve n’est pas un fin connaisseur des milieux policiers. "Bernard Cazeneuve est un illustre inconnu dans le milieu de la police, espérons que ce n'est pas un sectaire", s’inquiète ainsi Frédéric Lagache, numéro deux du syndicat Alliance, dans Le Figaro. "Ce ministre n'est absolument pas connu des policiers et n'a jamais été croisé dans la moindre commission parlementaire sur la sécurité", déplore de son côté Jean-Marc Bailleul, secrétaire général du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure.

Il n’y connaît rien à la sécurité. Autre reproche : son peu de goût supposé pour la sécurité, principal chantier du ministre de l’Intérieur. "On va devoir reprendre les fondamentaux. C'est vrai, on est toujours un peu déçus de tomber sur un homme politique qui n'a jamais manifesté d'appétit pour la sécurité intérieure", regrette ainsi Jean-Marc Bailleul. Jean-Paul Mégret, secrétaire général du Syndicat indépendant des commissaires de police (SICP) évoque un ministre "dont personne n'a jamais entendu parler, et qui n'a jamais exprimé d'appétence pour Beauvau". Du coup, selon le syndicaliste, "il ne devrait pas se lancer dans de grands changements et s'inscrira sans doute dans le droit fil de la feuille de route écrite par Valls".

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Et c’est Jean-Claude Delage (photo), le secrétaire général d’Alliance, qui résume la pensée de ses collègues. "Il ne passe pas pour un spécialiste des questions de sécurité actuellement dans le landernau policier. C'est une réaction de surprise car on s'attendait à une personnalité politique forte", a glissé le policier à RTL. Bernard Cazeneuve appréciera sans doute.

>>> Ses armes pour s’imposer

Face à cette méfiance a priori, Bernard Cazeneuve devra donc s’imposer. Une mission difficile mais pas impossible pour l’ancien ministre du Budget, qui a relevé d’autres challenges dans sa vie politique.

Il a géré l’après-Cahuzac. Le dernier défi qu’a relevé le nouveau ministre de l’Intérieur, c’est de succéder à Jérôme Cahuzac, frappé par un méga-scandale de fraude fiscale, au ministère du Budget. Pas évident, dans une atmosphère pesante. Mais Bernard Cazeneuve a su trouver ses marques dans son bureau du 5e étage du ministère de l’Economie, à Bercy. Cette fois, il doit prendre la place d’un ministre virevoltant, médiatiquement très actif. Hors de question pour lui de copier le style Valls. "On n'imprime pas un style, on est soi-même, je ne suis pas un imprimeur", a-t-il prévenu mercredi soir lors de son premier déplacement sur le terrain à Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne, où il a rencontré des policiers, des pompiers et des gendarmes de ce département mi-rural mi-urbain.

 

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Le ministre qui dit "non". Discret et adepte des bonnes manières, Bernard Cazeneuve est aussi un homme à poigne, une qualité indispensable pour tenir le ministère du Budget. Face à ses collègues, l’homme a souvent dit "non", usant parfois de son humour froid pour imposer des coupes budgétaires parfois douloureuses. Sa dernière contribution au Budget est en effet le plan concocté avec son ex-supérieur des Finances, Pierre Moscovici, pour  trouver 50 milliards d'euros d'économies et ainsi poursuivre la réduction du déficit public.

Eloquent et pugnace. Surtout, Bernard Cazeneuve n’est pas homme à s’en laisser compter. Le ministre de l’Intérieur n’a pas peur de l’affrontement, une qualité qui devrait lui être bien utile place Beauvau. Dans l’Hémicycle, il n’hésite ainsi pas à répondre avec virulence aux attaques de l’opposition. Patrick Ollier, qui l’interrogeait sur son prédécesseur Jérôme Cahuzac, peut en témoigner.

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