Attentat déjoué : Hollande a-t-il parlé trop vite ?

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François Hollande à Marseille, le 15 juillet 2015.
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avec Alain Acco , modifié à
Le chef de l'Etat a annoncé dès mercredi que "des actes terroristes" avaient été déjoués. La droite dénonce une "appropriation politique".

François Hollande aurait-il dû tenir sa langue ? En visite mercredi à Marseille avec le président mexicain Enrique Pena Nieto, le chef de l'Etat a indiqué à la presse que "des actes terroristes qui auraient pu être produits" venaient d'être déjoués. Une enquête dans le cadre de laquelle trois individus étaient toujours en garde à vue jeudi, soupçonnés d'avoir élaboré un projet d'attentat contre une base militaire. Cette déclaration de François Hollande, qui a précipité la communication du gouvernement sur le sujet, mécontente les enquêteurs et donne du grain à moudre à l'opposition.

Cazeneuve devait s'exprimer vendredi. Selon nos informations, Bernard Cazeneuve avait prévu de faire une déclaration à la presse vendredi, jour où les suspects doivent être présentés à un juge, au terme de leur garde à vue. Mais l'annonce présidentielle a obligé le ministre de l'Intérieur à précipiter son intervention. Bernard Cazeneuve s'est finalement exprimé dès mercredi soir, place Beauvau.

Cette communication rapide fait grincer des dents un certain nombre d'enquêteurs. La garde à vue des individus soupçonnés de projeter l'enlèvement et la décapitation d'un militaire en janvier prochain était toujours en cours lorsque François Hollande a donné l'information. La Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) poursuivait l'interrogatoire des suspects et expertisait leurs ordinateurs.

"Il ne faut pas parler trop tôt", a averti Philippe Hayez, ancien directeur adjoint du renseignement à la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), invité d'Europe 1 jeudi. "Je crois qu'il faut une communication très sobre et très équilibrée, sinon on cède à la surenchère". Toutefois, "la communication en matière de terrorisme est quelque chose d'extrêmement difficile en démocratie", a concédé l'expert. "Il s'agit de rendre compte aux citoyens de la réalité des menaces qui les frappent, et en même temps, il ne s'agit pas d'inquiéter, de faire le jeu des terroristes en alarmant encore plus les populations".

 


"Une volonté d'appropriation politique". L'opposition n'a pas tardé à saisir l'occasion. Invité d'Europe 1 jeudi, Frédéric Péchenard, directeur général du parti Les Républicains (LR) et homme de confiance de Nicolas Sarkozy, a dénoncé "une volonté d'appropriation politique, probablement pour masquer un certain nombre d'échecs ou de difficultés du gouvernement". Ce commissaire de métier, ancien directeur général de la police nationale, a mis en avant l'importance de la discrétion lors des débuts d'une enquête. "J'ai participé à de nombreuses gardes à vue en matière de lutte antiterroriste et vous avez toujours, pendant le temps de la garde à vue, une audition à faire, une perquisition, peut-être d'autres personnes à aller interpeller", a-t-il expliqué, appelant à "laisser le temps de l'enquête aux services de police". Sur iTELE, le député LR Guillaume Larrivé a reproché à François Hollande d'"essayer de tirer la couverture à lui".

 


Le Front national aussi fustige la communication de l'exécutif. "Hollande a fauté", affirme ainsi l'eurodéputé Florian Philippot sur son compte Twitter. Pour le vice-président du FN, "les Français n'attendent pas de la sur-communication sur les attentats islamistes, mais enfin de l'action et de l'autorité".

Royal assume. Ségolène Royal, elle, a pris la défense de François Hollande. "Il est important que de temps en temps le gouvernement, pas tout le temps, puisse faire savoir que les services de renseignement sont très efficaces, que la police est efficace, que la gendarmerie est efficace", a expliqué la ministre de l'Ecologie sur BFMTV. "Il était important de montrer que les Français étaient protégés".