Télé : la ménagère est-elle #old ?

Dans les années 1950, la ménagère était déjà une cible favorite de la publicité.
Dans les années 1950, la ménagère était déjà une cible favorite de la publicité. © MAXPPP
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PUB - Cette cible favorite des chaînes n'est plus une réalité sociologique, mais reste un concept marketing irremplaçable.

TF1 les appelle les "femmes de moins de 50 ans responsables des achats", M6 a gardé la classique appellation de "ménagères de moins de 50 ans"... Peu importe. Quelle que soit sa désignation, la fameuse ménagère demeure l'un des fondements du marketing télévisé. Au fil des décennies, elle est restée la cible favorite des annonceurs publicitaires, donc des grandes chaînes.

>> Mais d'où vient cette expression ? Europe1.fr vous l'explique :

Un terme qui date du… 13e siècle. Ce concept, qui recouvre environ 11 millions de femmes en France, est régulièrement remis en cause car il ne correspondrait plus à une réalité tangible. Il faut dire que la ménagère a une longue histoire derrière elle. "Au départ, le terme était masculin. Le mot 'ménager' apparaît au 13e siècle pour désigner une personne de petit état", explique à Europe1.fr Valérie Sacriste, sociologue de la publicité au Laboratoire communication et politique du CNRS et maître de conférence à l'université Paris-Descartes-Sorbonne. "Le féminin est apparu à la fin du 14e siècle et la définition a évolué. Au 19e, la bonne ménagère est la femme qui gère bien son foyer, de manière économe. Ce concept a été repris dans les années 1950-60, lorsque le marketing s'est développé en France".

29/10/2013 affiche pub Seb DR

© DR

Une femme peu sexy. A l'époque, il désigne la femme au foyer, responsable de la consommation domestique. "Son image est vraiment négative", poursuit Valérie Sacriste. "C'est la femme peu sexy, souvent représentée sur les affiches avec son tablier et son rouleau à pâtisserie." Ce qui n'empêche pas les annonceurs publicitaires de lui faire la cour : "on la considère comme une cible de consommation facile, que l'on peut duper facilement".

Une désignation peu pertinente. Une situation qui semble avoir perduré : la ménagère reste la cible phare des chaînes. Pourtant, "elle ne correspond à aucune réalité sociologique", affirme Valérie Sacriste. "Il n'y a pas une ménagère mais des femmes au pluriel, très différentes les unes des autres en fonction de la catégorie sociale, de l'âge, du nombre d'enfants ou du niveau de diplôme." Une variété qui rend peu pertinente cette désignation sous un terme unique.

La "digital mum", nouvelle ménagère ? En 2013, faut-il en finir avec la "ménagère" ? "C'est un débat qui revient sans cesse, mais que l'on n'arrive jamais à trancher", souligne de son côté Aurora David, directrice des achats de l'agence publicitaire My Media. Des tentatives pour déloger la ménagère de son piédestal ont récemment eu lieu. Ainsi, depuis quelques années, se développe le concept de "digital mum", une mère de famille connectée. Autre invention : il y a un an, TF1 a tenté d'élargir la cible des ménagères en créant une nouvelle catégorie, les "shoppers", un terme qui désigne l'ensemble des actifs ayant des enfants à charge dans leur foyer.

Des nouveautés qui ne convainquent pas Aurora David : "la ménagère est un concept désuet, mais le monde de la publicité s'y est tellement habitué qu'il ne peut pas mourir comme ça". Surtout, cette catégorie répond toujours à une réalité de comportement. "En France comme dans la plupart des pays, ce sont très majoritairement les femmes qui font tourner les achats", poursuit Aurora David. "On remarque d'ailleurs que l'offre télévisée destinée aux hommes est réduite, car elle est beaucoup moins stratégique pour les diffuseurs, comme le montre la raréfaction du sport sur les chaînes gratuites".

29/10/2013 habillage pub TF1 DR

© Capture TF1

Cible de masse pour un média de masse. Enfin, la ménagère répondrait toujours à une logique propre à la télévision, celle d'un média qui ratisse large. "Certes, les ménagères sont une catégorie très vaste, mais la télévision est le média de masse par définition", relève Aurora David. Autrement dit, il serait difficile pour une chaîne comme TF1, qui touche au minimum cinq millions de téléspectateurs chaque soir, de proposer un ciblage plus précis. "C'est pourquoi la ménagère correspond tout à fait à la cible recherchée par les annonceurs de grande consommation", juge Aurora David. Ceux qui souhaitent un ciblage plus spécifique devront se tourner vers d'autres médias que le petit écran, dont la ménagère est toujours la reine. Contestée, mais loin d'être détrônée.