Matches du Mondial : les bars doivent sortir le chéquier

Des supporters regardent un match dans un bar du New Jersey, en janvier 2014 (photo d'illustration).
Des supporters regardent un match dans un bar du New Jersey, en janvier 2014 (photo d'illustration). © Reuters
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LE GRAND ÉCRAN, C'EST PAYANT - Les cafés et commerces qui diffusent les évènements sportifs doivent s'acquitter de droits. Ce qui ne va pas sans difficulté.

Par ici la monnaie. A partir de jeudi prochain, vous irez peut-être dans votre bar préféré pour suivre les matches de la Coupe du monde de football. Sachez que le patron aura tout intérêt à ce que vous enchaîniez les consommations, afin de rentrer dans ses frais. En effet, retransmettre ces rencontres dans un établissement ne se réduit pas à l'installation d'un grand écran dans la salle : il faut aussi payer certains droits.

Il s'agit en fait d'une contribution aux droits d'auteur, qui s'applique à tout commerce qui propose des contenus audiovisuels à ses clients. Ainsi, s'il veut diffuser de la musique d'ambiance ou installer un téléviseur dans son établissement, un patron de bar doit verser un forfait à la Sacem, l'organisme chargé de collecter les droits d'auteur des musiciens. Le tarif dépend l'endroit et de la taille de l'établissement : il va de 350 euros pour un petit café à plus de 1.000 euros dans les grandes villes.

Mais pourquoi un bar qui retransmet des matches tout au long de l'année devrait-il s'acquitter de ces droits d'auteur musicaux ? "Même autour des programmes de sport, il y a des contenus musicaux : sur les génériques, les publicités, etc", justifie Philippe Mattelon, en charge des licences à la Sacem, contacté par Europe 1. "Parfois, les commerces diffusent aussi les programmes qui passent avant ou après un match, et ceux-ci comportent souvent des musiques", ajoute-t-il. "Or, toutes ces musiques sont protégées et relèvent du droit d'auteur, pour lequel nous constituons un guichet unique".

47.000 établissements paient des droits. Aujourd'hui, 47.000 bars, cafés et autres restaurants ont signé un contrat permanent avec la Sacem, ce qui leur permet de proposer en illimité musique et programmes télé à leurs clients. Ils pourront donc diffuser la Coupe du monde en toute légalité. Pour les autres, un forfait spécifique est proposé par la Sacem. Il leur faut débourser 110 euros pour proposer des retransmissions sportives entre le 26 mai et le 31 juillet. Une période qui inclut la Coupe du monde, mais aussi Roland-Garros ou encore le Tour de France.

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"On a voulu faire simple avec ce forfait unique, qui permet de rémunérer les ayants droit sans lourdeurs administratives", affirme Philippe Mattelon. La Sacem veut ratisser large : elle a envoyé une lettre à plus de 100.000 établissements pour leur proposer ce contrat temporaire. Pour l'instant, 1.500 forfaits ont été vendus pour cet été. C'est beaucoup moins qu'en 1998, année faste où 13.000 commerces avaient accepté de payer. "Mais beaucoup d'entre eux ont signé un contrat permanent depuis lors", assure Philippe Mattelon.

Ce patron d'un bar parisien ne se fait cependant pas d'illusions : tout le monde ne se plie pas à la règle. "Comme d'habitude, pour la Coupe du monde, on verra des écrans apparaître discrètement dans certaines pizzerias", s'amuse-t-il. "Ce sera à leurs risques et périls".

TF1 veut aussi sa part. Mais pour le Mondial, une autre contribution pend au nez des patrons d'établissement. TF1, qui retransmettra 28 matches de la compétition, cherche à faire payer une "licence grand écran" à ceux qui souhaitent diffuser ces rencontres à titre commercial. Les cafés, magasins et autres centres commerciaux devront ainsi débourser "3€ HT par spectateur, par match et par écran" pour être autorisés à retransmettre les rencontres, peut-on lire sur le formulaire de demande de licence mis en ligne par la chaîne.

Une règle qui ne s'applique cependant pas lorsque la retransmission est sans but lucratif. Ainsi, TF1 ne fait rien payer aux associations, aux mairies ou aux clubs sportifs. Mais la chaîne impose tout de même certaines obligations, comme celle de commencer la retransmission un quart d'heure avant le coup d'envoi, afin que le public voie les spots publicitaires diffusés avant le match.

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Les patrons d'établissement protestent. Mais TF1, qui a déboursé 130 millions d'euros pour obtenir les droits du Mondial, avant d'en revendre une partie à la chaîne payante BeIN Sports, réussira-t-elle vraiment à faire payer les bars ? Les établissements interrogés par Europe 1 assurent ne pas avoir entendu parler de ces droits supplémentaires. "On ne l'a jamais fait", affirme Raymond, le patron du Player's, un pub parisien très prisé des amateurs de sport. "On paie déjà la Sacem pour toute l'année, on ne va pas verser d'autres droits à une chaîne en particulier".

"D'habitude, on reçoit des formulaires pour ce type de droits. Mais là, je n'ai reçu aucun papier de TF1", confirme ce patron d'un bistrot du 14e arrondissement de Paris. "On paie la box, l'abonnement aux chaînes, la redevance, la Sacem. Je considère que je suis en règle", plaide-t-il. D'ailleurs, pour lui, l'achat d'une licence à une chaîne de télévision gratuite ne se justifie pas : "ils se financent déjà avec leurs recettes publicitaires"

Contactée par Europe 1, TF1 se borne à préciser que les bars n'auront pas besoin d'acquérir une licence lorsqu'il n'y aura "pas de communication autour de la diffusion, pas d’entrée payante, pas d’installation d’écran géant autre que ceux installés hors coupe du monde". La chaîne se refuse à tout autre commentaire.

"De toute façon, on pourra toujours se rabattre sur BeIN Sports, qui diffusera tous les matches", assène cet autre patron d'établissement. Mais justement, du côté de BeIN, on indique que des discussions sont en cours avec TF1 en vue d'un éventuel accord sur ces licences, sans plus de précisions. Bref, à moins d'une semaine du coup d'envoi du Mondial brésilien, le flou persiste. Et la plupart des établissements devraient échapper à cette facture supplémentaire.

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