Au Parisien, "le cœur du pouvoir éditorial est détenu par douze hommes"

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A.H. , modifié à
Des dizaines de journalistes femmes du "Parisien" dénoncent l'absence de femmes aux postes de direction du quotidien. Elles ont reçu le soutien de leurs collègues masculins.
INTERVIEW

C'est un vaste mouvement pour l'égalité qu'ont lancé, s'en vraiment s'en rendre compte, plusieurs dizaines de journalistes femmes du quotidien Le Parisien. En adressant leurs candidatures en bloc à leur direction des ressources humaines pour un poste de direction fraîchement créé, elles entendent protester contre la composition exclusivement masculine de la rédaction en chef du journal.

"12 hommes sur 13 chefs". "On a été un peu dépassées par les événements. Tout est parti d'une discussion informelle à la cantine mardi dernier. On faisait le constat, comme on le fait depuis cinq ans, qu'il y a une grande majorité d'hommes à la tête de la rédaction en chef au Parisien - 12 hommes sur 13 (seule une femme dirige un magazine… La Parisienne, ndlr) - ça commence à se voir. On se disait qu'il devait bien y avoir une femme sur terre pour prendre les rennes du Parisien", raconte Bérangère Lepetit, reporter au service économie du quotidien. Invitée de Village Médias sur Europe 1 lundi, elle défend cette initiative, "à la fois humoristique et non agressive".

De nombreux soutiens. Rapidement, le mouvement fait tache d'huile. Nombreux sont ceux à leur apporter leur soutien, notamment sur les réseaux sociaux. "Dès vendredi, on a reçu une lettre de soutien de 62 journalistes femmes de L'Obs. D'autres rédactions régionales et nationales font le même constat et sont prêtes à nous suivre", affirme Bérangère Lepetit. Plus d'une centaine de journalistes hommes du Parisien aussi ont tenu à leur exprimer leur solidarité, en publiant une lettre ouverte. "Ça a paru évident. Ce n'est pas notre genre de les laisser se débattre toutes seules. On est ensemble tout le temps. Dans nos services, il y a une mixité assez grande", constate Yves Jaeglé, chef adjoint au pôle culture médias du Parisien, et également invité de Village Médias

Entendu sur europe1 :
Il faut bien voir que la parité, ça avance et ça recule

Pour "une réelle égalité des chances". Le journaliste atteste de la réalité d'un "plafond de verre" dont sont victimes les femmes qui veulent accéder à l'encadrement. "Plus ça monte, plus l'air se raréfie et moins il y a de femmes", déplore-t-il. Reste à savoir qui sera bientôt nommé à la rédaction en chef des éditions du dimanche. "Effectivement, maintenant, ce sera compliqué de nommer un homme. Mais ça, ce n'est pas à nous d'en juger. Je ne vois pas pourquoi un homme ne se présenterait pas. Mais l'idée, c'est qu'il y ait une réelle égalité des chances au moment de se lancer dans la course. Pour l'instant, le cœur du pouvoir éditorial est détenu par douze hommes", juge Yves Jaeglé. "Il faut rappeler qu'il y a déjà eu des femmes à la direction de la rédaction, et ça fait un moment qu'il n'y en a plus. Il faut bien voir que la parité, ça avance et ça recule", se désole le journaliste.

Autre chantier : l'égalité salariale. La réponse de la direction a été "plutôt bonne", se satisfait la journaliste. "Ils ont fait le même constat que nous, qu'ils ont déploré. Ils ont dit que ce n'était pas du tout une volonté", rapporte Bérangère Lepetit. Selon les journalistes, ce mouvement pourrait initier d'autres avancées, notamment sur l'égalité des salaires. "Pour l'instant, oui, les hommes sont mieux payés que les femmes et c'est totalement anormal", constate Yves Jaeglé. "Mais je crois que là, les choses vont beaucoup bouger".