Présidentielle au Gabon : un millier d'interpellations depuis mercredi soir

Gabon, Libreville
Des Gabonais dans le centre-ville de Libreville, jeudi © AFP
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avec agences , modifié à
Depuis l'annonce de la réélection du président Ali Bongo, les affrontements se sont multipliés dans le pays. Au moins trois personnes ont été tuées. 

La situation était toujours tendue, jeudi soir, dans la capitale du Gabon. Le président gabonais Ali Bongo a été réélu mercredi avec 49,80% des voix, contre 48,23% à son principal adversaire Jean Ping. Un résultat contesté par l'opposition qui dénonce une "mascarade" et réclame un nouveau décompte des voix, notamment dans la province natale du chef de l'Etat. La France se dit également préoccupée par les conditions de l'annonce des résultats. 

Depuis l'annonce du résultat, Libreville et d'autres grandes villes du pays sont secouées par des émeutes meurtrières et des pillages. Selon le ministère de l'Intérieur gabonais, un millier d'interpellations ont eu lieu dans tout le pays depuis mercredi soir.

Les infos à retenir

  • Ali Bongo a été réélu à la tête du Gabon avec 49,80%, un résultat contesté par l'opposition. 
  • Depuis l'annonce de cette élection, le pays est secoué par de violents affrontements.
  • Au moins trois personnes ont été tuées. 
  • Une vingtaine de leaders de l'opposition sont retenus au QG de Jean Ping, l'adversaire d'Ali Bongo. 

Au moins trois morts. Selon le ministre de l'Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya, un millier de personnes ont été interpellées depuis mercredi soir : entre 600 et 800 à Libreville et 200 à 300 dans le reste du pays. "Nous déplorons la mort de trois personnes, dont les identités seront données rapidement quand elles seront établies", a également indiqué le ministre. Auparavant, l'opposant Jean Ping - réfugié dans un lieu inconnu - avait fait état d'au moins deux personnes tuées.

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Une vingtaine de leaders de l'opposition et de la société civile gabonaise étaient toujours retenus, jeudi soir au quartier général du candidat vaincu, Jean Ping. Le même QG a été pris d'assaut par "la police et des mercenaires" dans la nuit de mercredi à jeudi, a déclaré Jean Ping à Europe 1. "Depuis 6 heures ce matin, nous sommes toujours séquestrés", a affirmé jeudi soir Zacharie Myboto, ancien ministre d'Omar Bongo, le père et prédécesseur d'Ali Bongo à la tête du Gabon."On nous a dit qu'on devait être transférés au siège de la gendarmerie, mais nous n'avons toujours pas de nouvelles", a-t-il ajouté, tout en précisant que 25 personnes étaient encore retenues avec lui dans la cour du QG.  

Libreville dévastée. Le centre de la capitale était quadrillé jeudi par les forces de l'ordre, notamment aux abords de l'Assemblée nationale, incendiée mercredi, et du QG de Jean Ping. Les grands axes étaient dévastés, bordés de bâtiments incendiés et jonchés de restes de barricades. Près de l'Assemblée, la police a tiré en fin de matinée des lacrymogènes pour empêcher tout attroupement. Des pillages étaient toujours en cours à la mi-journée dans des quartiers populaires de la capitale, selon la police. Mais les centres névralgiques du pouvoir étaient sécurisés par un imposant dispositif. 

Les pillages se poursuivaient dans la capitale gabonaise, jeudi après-midi. Crédit : AFP

Appel à la France. Jeudi après-midi, Jean Ping a appelé la France à venir en aide au Gabon, jeudi sur Europe 1. "La France est intervenue ailleurs, en Centrafrique pour éviter une guerre civile et un bain de sang. Elle pourrait beaucoup plus facilement (...) éviter une situation comme ça au Gabon, en appelant notre tyran à la raison, à accepter la volonté des urnes", a estimé le candidat vaincu. "Vous voyez un président qui vient bombarder son peuple, la nuit, par hélicoptère, et qui vient raser un quartier général. Il a arrêté tout le monde, partout", a-t-il détaillé.

De son côté, Ali Bongo s'est adressé à ses opposants, affirmant que "la démocratie s'accommode mal de la prise d'assaut d'un parlement", faisant référence aux débordements survenus dans la nuit de mercredi à jeudi et rejetant leur responsabilité sur l'opposition. "Les élections ont rendu leur verdict (...) Qui a perdu ? Un groupuscule dont le seul projet était de prendre le pouvoir pour se servir du Gabon et non servir le Gabon", a encore accusé le fils et successeur d'Omar Bongo. "Pour l'instant, nous faisons uniquement du maintien de l'ordre. Lorsque le moment sera venu, nous prendrons des mesures pour rétablir l'ordre sans équivoque", n'a pas hésité à prévenir le ministre de l'Intérieur, jeudi.

Réactions internationales.  La France a demandé mercredi la publication des résultats de tous les bureaux de vote du Gabon après l'annonce de la réélection d'Ali Bongo. Jeudi, François Hollande a appelé "toutes les parties à la retenue et à l'apaisement" et demandé "un processus garantissant la transparence", selon un communiqué de l'Elysée.

La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a, quant à elle, qualifié jeudi la situation de "crise profonde" et a appelé les différentes parties "au calme". "Il est important que tous les acteurs rejettent la violence et appellent au calme. Toute contestation doit se faire avec des moyens pacifiques afin d'éviter l'embrasement du pays", a déclaré la vice-présidente de l'UE dans un communiqué.

Disant entendre "la frustration du peuple gabonais, et des jeunes en particulier", le secrétaire général des Nations Unies Ban Ki-moon a lui aussi appelé à une "vérification transparente" des résultats. A la présidence, le porte-parole d'Ali Bongo, Alain-Claude Bilie-Bye-Nze, ne semblait pas apprécier ces conseils: "Nous faisons les élections en fonction de la loi gabonaise (qui prévoit la publication des résultats par région). Les pressions internationales doivent tenir compte de la loi gabonaise: ce ne sont pas elles qui vont la changer".

A la Confédération africaine de football, on se voulait confiant, jeudi, promettant qu'à ce jour, il n'y avait "aucun changement" dans le calendrier de la Coupe d'Afrique des Nations 2017, que doit accueillir le Gabon du 14 janvier au 5 février.