Présidentielle américaine : des campagnes financées à coups de millions de dollars

Hillary Clinton et Donald Trump, favoris des primaires américaines.
Hillary Clinton et Donald Trump, favoris des primaires américaines. © dsk / AFP
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Margaux Lannuzel , modifié à
La présidentielle 2016 s'annonce déjà comme la plus coûteuse de l'histoire des États-Unis. Avec des méthodes de financement propres à chaque candidat.

Des montants "indécents". C'est ainsi que l'acteur George Clooney, soutien d'Hillary Clinton, a qualifié les sommes engagées dans la campagne présidentielle américaine, dimanche. Les chiffres sont en effet impressionnants. Avant même que la primaire ne soit achevée, Hillary Clinton a déjà dépensé plus de 130 millions d'euros. Son rival, Bernie Sanders, n'est pas en reste, avec un peu plus de 108 millions.

"Nous sommes sur la base du double du coût de la présidentielle 2012", analyse pour Europe 1 François Durpaire, historien spécialiste des États-Unis. "On estime que chacun des candidats finalement investis déboursera l'équivalent de ce que les deux concurrents de 2012 réunis avaient dépensé", poursuit l'expert.

"Cela s'explique en partie par le fait que le suspense des primaires se prolonge", explique François Durpaire. Plusieurs votes décisifs doivent en effet encore avoir lieu, comme dans l'Etat de New-York, mardi. Or, en 2012, la primaire démocrate était raccourcie, le président Barack Obama étant candidat à sa réélection. "Et en 2008, dans le même contexte, on savait déjà qui serait investi par chaque parti à cette époque de l'année", rappelle François Durpaire. En attendant, chaque candidat continue à dépenser, grâce à des fonds réunis de manières très différentes.

  • Côté démocrates : Super PAC contre micro-dons

"Nous ne représentons pas les intérêts de Wall Street ou des milliardaires. Nous ne voulons pas de leur argent !", a martelé Bernie Sanders ce week-end, lors d'un meeting à Brooklyn. S'il a recours au financement privé, le candidat à la primaire démocrate a en effet choisi de ne pas se servir des super pacs, ces comités d'action politique dont les dons ne sont pas plafonnés : sa campagne s'appuie sur des micro-dons, effectués par plus de 7 millions de personnes, pour un montant moyen de 27 dollars. "En tout, il a récolté plus que ce qu'avait levé Obama il y a huit ans", note François Durpaire.

Bernie Sanders espère ainsi faire la différence avec Hillary Clinton, dont la campagne est financée par plusieurs grandes sociétés, notamment via les super pacs. La favorite de la primaire démocrate est régulièrement critiquée pour ses liens avec de très riches personnalités. Plusieurs donateurs de sa campagne sont cités dans le scandale des Panama Papers, selon des informations publiées par Le Monde, lundi.

  • Côté républicains : la publicité gratuite de Donald Trump

Chez les républicains, Ted Cruz a dépensé plus de 80 millions d'euros dans la primaire, un investissement qui s'approche de celui de Bernie Sanders et Hillary Clinton. La majorité de ses soutiens (58%) sont de grandes entreprises. Le sénateur du Texas est notamment aidé par les frères Wilks, magnats texans du pétrole, à hauteur de 15 millions de dollars. 

De manière étonnante, le milliardaire Donald Trump n'a, lui, dépensé "que" 31 millions. "Il y a quelques mois, il promettait d'investir des dizaines de millions pour discréditer ses adversaires", affirme François Durpaire. "Et puis, il a changé de stratégie."Désormais, Donald Trump bénéficie de la couverture médiatique que lui assurent chacun de ses propos polémiques. "Lorsqu'il s'en prend au pape François, par exemple, une forme de publicité gratuite lui est garantie dans les médias", ajoute l'historien des États-Unis. "Ce n'est plus la peine de dépenser de l'argent dans des clips."

 

  • Le financement privé pour tous les candidats

François Durpaire précise que "les compteurs seront remis à zéro lorsque l'on connaîtra les deux candidats investis". Deux solutions s'offriront alors aux prétendants à la Maison blanche. La première : choisir le financement public, avec l'aide de l'État fédéral. "Mais en pratique, aucun d'entre eux ne le fera", assure l'historien. Ce type de financement implique en effet de ne pas dépasser un certain plafond de dépenses de campagne, et de renoncer à recevoir des dons privés après l'investiture.

L'autre choix consiste à opter pour un financement privé, notamment via les "super pacs". En 2010, une décision de la Cour Suprême américaine a déplafonné les dons de ces comités, à la seule condition qu'ils ne "coordonnent pas leurs actions" avec les candidats. "Les candidats frôlent cette limite. Si l'élection se joue entre Trump et Clinton, il y a des chances qu'il l'attaque sur les fonds de sa campagne issus de la fondation Clinton", prédit François Durpaire.

  • L'argent, le nerf de la guerre ?

"Lorsque la campagne Sanders parle de cela (des sommes engagées pour la présidentielle, ndlr), elle a absolument raison. C'est ridicule qu'il y ait de telles sommes d'argent en politique, je suis d'accord", a poursuivi George Clooney, dimanche. La star d'Hollywood organise pourtant des dîners destinés à lever des fonds pour la campagne de l'ex-première dame. L'argument de l'acteur : seul un futur Sénat démocrate pourra modifier les règles de financement des élections.

Reste la question suivante : ces dépenses finissent-elles par payer ? "Il peut y avoir un lien entre la capacité financière et le résultat de la primaire", estime François Durpaire, qui cite l'exemple de 2008, lorsque Barack Obama avait "littéralement séché" Hillary Clinton. "Mais cela ne s'applique pas toujours : cette année Jeb Bush était celui qui avait dépensé le plus d'argent au début de la campagne, et c'est celui qui est sorti le plus tôt", souligne l'historien. "Une fois les candidats investis, il n'y a pas de lien observable au fil des élections entre l'investissement financier et une éventuelle victoire", conclut-il.